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[Cannes 2021, Compétition] Tout s’est bien passé, drame familial semi-réussi sur fond d’euthanasie signé François Ozon

[Cannes 2021, Compétition] Tout s’est bien passé, drame familial semi-réussi sur fond d’euthanasie signé François Ozon

08 July 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

En adaptant le récit d’Emmanuèle Bernheim, François Ozon frappe l’esprit le temps de quelques plans acérés où André Dussollier impressionne, et de quelques dialogues à base de mauvais sentiments. Mais il laisse trop peu vivre ses scènes.

Extrêmement diminué après avoir subi un accident vasculaire cérébral, un homme octogénaire demande à l’une de ses filles de l’aider à être euthanasié, car il refuse de vivre dans l’état où il se trouve. Un difficile cheminement va dès lors avoir lieu pour cette femme, entourée par sa sœur, et son conjoint.

Avec ce nouveau film dévoilé au public juste un an après Été 85, François Ozon signe, davantage qu’un “film sur l’euthanasie”, un drame familial, où se mélangent angoisse de la séparation à venir, derniers déchirements, rancœurs, et sentiments d’amour complexes. Il offre à André Dussollier l’occasion de briller dans un rôle de vieil homme – littéralement peu sympathique mais attachant aussi par certains côtés – laissé très diminué, avec des difficultés d’élocution et de mouvement : l’acteur fait montre ici d’un jeu physique totalement crédible qui fait forte impression dans de nombreuses scènes. Avec, autour de lui, des partenaires tous convaincants : Sophie Marceau, Géraldine Pailhas splendide dans le rôle de sa sœur, Grégory Gadebois magnifique en vieil amant violent, Hanna Schygulla spectrale en représentante d’un organisme suisse menant vers l’euthanasie, Eric Caravaca, ou encore les immenses Jacques Nolot et Daniel Mesguich, que l’on est particulièrement heureux de croiser au détour de quelques scènes.

Manque d’unité

Pourtant, les qualités du film semblent être présentes par intermittence, et les belles séquences cohabitent avec des scènes plus anodines. Le temps d’un plan au cordeau, François Ozon se montre capable de cadrer la souffrance inhumaine qui habite désormais le corps vieilli du personnage joué par André Dussollier. De la faire jaillir, sans complaisance, avec toutes ses facettes et ses effets. On regrette donc que beaucoup d’autres séquences restent purement narratives, et filmées sans beaucoup d’œil et de point de vue.

Ce père au centre de l’intrigue, très désespéré du temps où il disposait de toutes ses facultés, n’est guère tendre avec ses filles et le reste de son entourage : certains dialogues convoquent donc des mauvais sentiments, toujours là pour compliquer les histoires de famille. Dans ces scènes dialoguées, on sent de l’acidité et de la puissance : leur succèdent souvent, hélas, des séquences bien plus classiques en termes d’écriture, ou ouvrant des pistes intéressantes – telles les apparitions de la femme jouée par Hanna Schygulla, quasiment tirées vers le fantastique – peu exploitées.

Tout s’est bien passé peut sembler manquer d’unité et trop se disperser. Il paraît en fait souffrir d’un syndrome habitant parfois le cinéma de François Ozon : les scènes sont trop courtes, coupées trop vite, et n’ont pas le temps de développer leur atmosphère et leurs enjeux et de les laisser exister. Le film donne trop d’informations, et part sur trop de voies narratives. Comme si le réalisateur avait peur de n’avoir pas assez de matière lorsqu’il ne suit qu’un seul personnage principal (à la différence de Grâce à Dieu, qui s’attachait à trois protagonistes). La force que sa réalisation pourrait avoir s’en trouve amoindrie.

Tout s’est bien passé est présenté au Festival de Cannes 2021, en compétition pour la Palme d’or. Il sortira dans les salles françaises le 22 septembre, distribué par Diaphana Distribution.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2021.

Tout s’est bien passé, de François Ozon. Avec Sophie Marceau, André Dussollier, et Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling, Grégory Gadebois… D’après le roman d’Emmanuèle Bernheim. France. 

Visuel : ©  Carole BETHUEL/Mandarin Production/Foz

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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