
Berlin, jour 1 : Début de la compétition et accueil de Matt Damon sous la neige
Premier jour de compétition à la 63ème Berlinale dans une capitale allemande qui a retrouvé ses bonnes vieilles habitudes de neige. Avec toutefois de temps en temps un rayon de soleil perçant et une lumière tout à fait cinématographique. Ce vendredi a également été marqué par l’accueil des premières stars américaines.
La journée a commencé à 9h pile au Palais de la Berlinale avec la projection du nouveau long métrage de la jeune et talentueuse réalisatrice polonaise, Malgoska Szumowska, qu’on avait découverte avec son film coup de poing sur la prostitution, Elles (voir notre critique). Choisissant pour décor un patelin perdu dans les forêts de bouleaux de son pays d’origine, pour muse un des acteurs les plus célèbres de Pologne, Andrzej Chyra, la cinéaste aborde avec In the Name off la question taboue de l’homosexualité chez un prêtre en charge d’adolescents. Un film qui propose des images si somptueusement “spirituelles”, baignées de lumières et rehaussées de solos de violoncelles, tant de scènes gratuites et de rebondissements attendus, que le public rit aux moments qui se veulent les plus émouvants et les plus dramatiques. Belles et dignes d’attirer l’attention des jurés des Teddy Awards, les scènes de sexe sont cependant trop explicites dans ce contexte religieux pour ne pas alourdir le film. Surtout si la pluie battante vient sur-sexualiser le corps nu de l’ancien élève au visage christique… Légère déception, donc, malgré certains très beaux plans et un grand bonheur de voir Andrzej Chyra à l’œuvre.
Durant la conférence de presse, aux côtés de ses deux acteurs principaux Malgoska Szumowska a longuement expliqué que son film ne défendait pas une thèse au début, et ne cherchait pas à créer un débat de société. Et pourtant, alors que le personnage du prêtre d’une cinquantaine d’années avoue en pleurant sur skype à sa sœur qu’il n’est pas attiré par les jeunes hommes et qu’il n’est pas pédophile mais juste “pédé”, “In the name off” met un sacré coup dans la fourmilière en la patrie de Karol Wojtyla.
Notre critique du film, ici.
Alors que la compétition a sélectionné cette année de grands noms sur des thèmes peut-être un peu moins dramatiques et/ou sociaux que d’habitude, le premier de ces chefs de file présentait son film cet après-midi, écharpe bleue au cou, hiver berlinois oblige : Gus Van Sant a retrouvé son Good Will Hunting lorsque Matt Damon lui a amené le scénario de Promised land sur un plateau. Dans un film parfaitement maîtrisé, racontant l’arrivée d’un jeune représentant d’une immense compagne de gaz de schiste souhaitant racheter des terrains pour commencer à creuser, le duo fait un véritable portrait de l’Amérique à travers ses fermiers désargentés. Si le message parfois un peu lourd sur la défense de la démocratie et la liberté des petits, il n’en demeure pas moins très agréablement porté par un Matt Damon en grande forme et une Frances McDormand subtile. En retraité charismatique, Hal Holbrook est irrésistible. Un film sur l’Amérique et pour les valeurs de l’Amérique, comme on la rêve et comme on l’aime.
La foule était massée devant le Hyatt et entre deux flocons pour apercevoir Gus Van Sant et Matt Damon se rendre à la conférence de presse. Ils seront probablement encore plus nombreux ce soir à tenter de les apercevoir lors de la projection “officielle” du film au Palais du Festival. Comme souvent, c’est Damon qui a le plus parlé pendant la conférence de presse, dévoilant intelligemment certaines articulations du film. Et ce, avec tant de conviction, qu’on a presque oublié l’absence des femmes du film à Berlin : Frances McDormand et Rosemarie Dewitt…
Critique de Promised Land.
L’après-midi a été marquée pour l’équipe de Toute La Culture par une séance de rattrapage : nous avons enfin vu The Grandmaster de Wong Kar Wai qui repassait au Friedrichstadt-Palast. Prêtes pour un film d’arts martiaux se déroulant dans les règles de l’art, nous nous attendions à un scénario minimaliste… Mais pas à voir disparaître les combattants hors-champ une seconde sur deux lors des rares combats, pas à la parodie de film historique (l’occupation japonaise du Nord de la Chine grossie à souhait version “maître et disciples”) et nous n’étions surtout pas prêtes à ce que la philosophie de comptoir s’étire autant que les images du réalisateur de 2046. Bref, même l’impassible Tony Leung n’a pas pu sauver le film de son kitsch si prétentieux que le public a à peine pu suivre l’intrigue… Mauvaise critique, donc, pour ce numéro perdant.
Demain, Toute La Culture a arraché ses places pour l’avant-première tapis rouge des “Misérables”, l’adaptation par Tom Hooper de la comédie musicale. Une catastrophe annoncée, mais que nous attendons comme un moment de paillettes et de strass (et qui sait peut-être une jolie robe pour Anne Hattaway) pour ponctuer une journée où nous serons gâtées notamment avec le film allemand en compétition “Gold” de Thomas Arslan, avec la Nina Hoss que vous avez peut-être aimée dans “Barbara“.