A Single Man, Tom Ford
Tom Ford n’est pas seulement couturier, depuis la sortie de son premier film, A Single Man, il est aussi réalisateur, et livre à l’écran un récit personnel et intime, répondant à l’esthétisme de ses créations et interprété par un Colin Firth très en forme.
Los Angeles, 1962. Depuis qu’il a perdu son compagnon Jim (Matthew Goode) dans un accident, George Falconer, (magnifique Colin Firth) professeur d’université Britannique, se sent incapable d’envisager l’avenir. Solitaire malgré le soutien de son amie, la belle Charley (Julianne Moore), elle-même confrontée à ses propres interrogations sur son futur, George ne peut imaginer qu’une série d’évènements vont l’amener à décider qu’il y a peut-être une vie après Jim.
Tom Ford connaît son métier et l’exploite jusqu’au bout, transposant le raffinement et l’élégance de la haute couture au cinéma ; Colin Firth ressemble étrangement à Yves Saint Laurent; larges revers à crans aigus, grandes poches, chemise à col large, un impeccable nœud windsor, sans oublier ses incontournables wayfarer… De son côté, Charley incarne à perfection l’Eclat d’Arpège de Lanvin, ses yeux de chats soulignés d’un léger trait d’eye-liner et revêtue d’une robe azur et de chaussures à brides signées Louboutin. Cette saveur artificielle ne masque pas pour autant ce premier essai.
Le dilemme quotidien de George est de parvenir à finir cette journée qui commence. Muré dans son deuil et sa solitude, il se réfugie dans ses souvenirs et son passé, nostalgiquement, comme pour compenser une triste réalité qu’il ne parvient pas à surmonter. Une réflexion sur la vieillesse et la fuite du temps transparaît alors. En une journée, toute une vie se déroule, campant des personnages au bord de l’abîme, se raccrochant à leur mémoire, seule repère stable et inébranlable. Des flash-back à l’esthétisme idéal parcourent ainsi le film, le menaçant aussi de rester bloquer dans le passé.
Une étonnante sensualité se manifeste ainsi, les personnages étant filmés tels des modèles pour les pages glacées de Vanity Fair et Vogue, gros plan sur des lèvres délicatement soulignées d’un trait de crayon, arrêts sur image de corps hypertrophiés nageant gracieusement sous l’eau : l’esthétisme est mis à l’honneur, empêchant parfois le film de donner à ses tonalités tragiques et dramatiques toute leur ampleur.
Sans être totalement coincé dans une morosité luxueuse, A Single Man livre tout de même un morceau de vie, celui d’un homme qui tente de sortir de sa torpeur et de continuer à vivre. Et parce que « les pires choses ont parfois leur beauté », un récit tragique ne devrait pas s’empêcher de relever d’un grand esthétisme.