
“Lara Jenkins”, beau et froid portrait de femme par Jan-Ole Gerster
Découvert avec O boy nostalgique et rêveur, le réalisateur allemand Jan-Ole Gerster opte pour la couleur pour son deuxième long-métrage qui fait le portrait d’une femme froide, ancienne musicienne, qui se débat contre la solitude, le jour de ses soixante ans. Un film et une actrice primés à Karlovy Vary et par la presse au Festival du Film des Arcs à découvrir en salles en France le 26 février.
C’est un jour spécial pour l’élégante et froide Lara Jenkins (Corinna Harfouch) : l’anniversaire de ses 60 ans. Pour son fils pianiste (l’on retrouve Tom Schilling après O Boy), c’est également un jour important : son premier récital solo où il interprète une de ses compositions. En suivant Lara Jenkins comme Mrs Dalloway de l’est à l’ouest d’un Berlin qui continue d’inspirer Jan-Ole Gerster, l’on en apprend plus sur cette fonctionnaire retraitée qui a réussi à éloigner tous ses proches d’elle par son dureté et son intransigeance. Le récital du fils et l’effet “bougies soufflées” le mènent vers un de ses vieux professeurs et fait resurgir les fantômes d’un passé très enfoui.
L’an dernier, dans L’Audition (lire notre critique), c’était Nina Hoss qui incarnait une musicienne froide et dure. Cette fois-ci, sur un rythme très maîtrisé et dans une image à la fois saturée de couleur et sans vie, c’est la sublime Corinna Harfouch, sorte de pianiste à la Isabelle Huppert avec juste la froideur et pas – apparemment- l’hystérie- qui incarne une répétitrice inflexible. Évoluant plan par plan, avec un rythme lancinant, plaçant en son centre un concert dont il donne même à entendre quelques notes, c’est à la fois une passion aux cendres refroidies et un désarroi profond que Jan-Ole Gerster partage sur grand écran, en esthète. Un film très maîtrisé et troublant, malgré et grâce à son refus de l’émotion facile.
Lara Jenkins, de Jan-Ole Gerster, avec Corinna Harfouch, Tom Schilling, Allemagne, 2019, 1h38, KMBO, sortie française le 26/02/2020.