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“Jack Reacher” : un divertissement sans fraîcheur

“Jack Reacher” : un divertissement sans fraîcheur

17 December 2012 | PAR Bastien Stisi

Douze ans après Way of the Gun (2000), Christopher McQuarrie (le scénariste émérite de Usual Suspects, de X-Men et du dernier épisode de Mission impossible : Protocole Fantôme), repasse derrière la caméra et offre à Tom Cruise l’occasion de se glisser dans la peau d’un personnage originellement complexe et considérablement torturé. Raté.

Un homme, armé d’un sniper et d’une bonne dose de névroses non réglées, exécute de sang-froid cinq innocents, victimes de la folie d’un ancien militaire que tout désigne comme le responsable avéré de la tuerie. Lors de son interrogatoire, le suspect inscrit, sous les yeux de deux enquêteurs interloqués, une phrase explicite et lourde de conséquences : « Trouvez Jack Reacher » (trouvez Tom Cruise, donc).

Originellement, ledit Jack Reacher est le personnage fétiche et récurrent de la saga littéraire de Lee Child, héros solitaire, brutal, froid et insensible, ex-enquêteur dans l’armée américaine, parcourant le territoire étasunien en quête d’une soif de justice jamais inassouvie. Afin d’apprécier l’adaptation proposée ici par Christophe McQuarrie, il convient de se détacher absolument de ce portrait originel et de glisser sa main et son cerveau bien au fond d’une épaisse portion de pop-corn, tant l’interprétation que propose Tom Cruise est éloignée des complexités existentielles inhérentes au personnage initial. Incapable de dépasser cette allure suffisante, badaude et pseudo-séduisante qui lui colle constamment à la peau depuis le début de sa carrière, l’acteur américain enfile avec légèreté et lourdeur ce costume de bad-boy expéditif et torturé, sans jamais se montrer à la hauteur du rôle proposé. Jason Bourne sans fraîcheur ni talent, Clint Eastwood sans colt ni charisme, Jack Reacher baroude, balance des vannes efficaces ou lourdingues, cogne avec force et dilettantisme des adversaires inoffensifs, et mène des simulacres d’enquêtes dont il anticipe les tenants et les aboutissants d’une manière insupportablement prophétique.

Série B anoblie et divertissante, Jack Reacher alterne les très bonnes séquences de tensions cinématographiques et visuelles (la scène de la tuerie au sniper, introductive du film, est un modèle du genre) avec des passages potaches et stériles, qui gâchent et galvaudent considérablement une production que l’on aurait aimé voir plus patiente et plus fouillée. A l’esprit, forcément, cette scène où Tom Cruise, acculé sans défense au fond d’une baignoire, échappe à une sévère correction grâce à ses deux adversaires, qui au lieu de le massacrer en bonne et due forme, se battent entre eux pour savoir qui aura le privilège de massacrer le dangereux Reacher en premier…Si on ajoute à cela des personnages secondaires clairsemés et inaboutis, une enquête pleine de rebondissements aussi attendus que le sourire expressif de Tom le scientologue, un méchant pathétique au passif farfelu et aux manières mille fois revues, et le charme sans fraîcheur de Rosamund Pike et d’Alexia Fast, on obtient une production musclée sans originalité, qui confirme ce que l’on savait tous déjà : Tom Cruise sait faire du Tom Cruise. Ce qui est déjà bien, ceci dit.

Une production réservée aux fans du monsieur. Et aux amateurs de grandes sensations et de pop-corn salés.

Jack Reacher de Christopher McQuarrie, 2h11 min, sortie le 26 décembre 2012.

Visuel : (c) affiche de Jack Reacher de Christopher McQuarrie

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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