
Good, un film de Patrick-Mario Bernard sur Rodolphe Burger
Connu pour ses travaux cinématographiques avec Pierre Trividic («Une famille parfaite», «Ceci est une pipe»), Patrick-Mario Bernard a longuement suivi le musicien alors en pleine conception de son album «Good» pour en tirer un film étrange et personnel sur la création.
Pourquoi faire un disque ? On est d’abord projeté dans l’univers intime de Burger, ses proches, ses collaborateurs, ses amis artistes. On le voit se dépenser et se perdre, pensif, actif et endormi. La distance affectueuse des images de Bernard permet de prendre contact avec l’homme sans avoir l’impression de faire intrusion. On est là à regarder ce qu’il regarde, écouter passer le temps et jouer ces accords dont l’ambition sera bientôt de tenir et d’entretenir une chanson. Et au fond, c’est toute la question : comment écrit-on un disque, comment parvient-on à se «rassembler» comme le déclare joliment Olivier Cadiot avec qui Burger a beaucoup collaboré. C’est la question qui apparaît en creux, pourquoi fait-on des disques ? La chose est évoquée et, en effet, si l’on parcourt la discographie de Burger, on se dit qu’un album n’incarne jamais à lui seul le travail qui finit par le contenir. D’ailleurs, on regarde ce film alors que le musicien qui s’apprête à le présenter en ouverture de concerts toute l’année 2019 est déjà en train d’achever la track-list du prochain. Toujours un projet à l’horizon, toujours intrigué par quelque chose à l’horizon, c’est peut-être ce qui résume la course à la création de Rodolphe Burger.
Le monde sur les épaules. Ainsi, ce Good film et ses 84 minutes de fragments nerveux tentent de restituer le mouvement des choses, au volant et à vélo et enfin en bateau, dans cette façon d’aller vers et de rester en bordure des lieux, il montre cette marge où peut-être tout se déclenche et émerge peu à peu — des figures étranges et innomées — comme le montre parfaitement le final : l’artiste dans la forêt sombre découvrant un objet fétiche de l’album, une couronne doré en papier que l’on propose généralement avec une galette des rois. Entretemps, la caméra a suivi un double déménagement du musicien, de son appartement et de son studio de travail et le capte en suspension entre les mondes, dans ce flottement où sa parole est rare, où seules les mains s’agitent, parcourant les bras, le haut du visage, les cheveux. Reste alors ce corps prenant silencieusement possession de l’espace pour le sculpter à sa mesure. C’est ce que l’on comprend peu à peu au fil d’une interview d’Ariane Chottin-Burger qui décrit cette capacité de l’artiste à enchanter les lieux qu’il investit, sans pour autant en faire une marque de fabrique. Il y a certes l’idée du blues et du homeless mais il s’agit toujours de transformer le monde tout en portant son univers sur les épaules.
L’étranger qui prend forme. Devant un ordinateur avec lequel on sent un rapport pas véritablement consenti, on le regarde scruter l’intérieur de l’écran en écoutant une vieille bande en allemand, sans être sûr de ce qu’il entend, en demandant à sa compagne une traduction. Cette retenue qu’on lui connaît est peut-être forgée par ce doute de ne comprendre qu’à moitié les messages cryptés qui viennent du bord du monde, de l’autre côté d’une frontière, vers l’étranger qui prend forme mais ne dit jamais clairement son nom. Au final, le film va peut-être encore épaissir le mystère et aura rendu Rodolphe Burger égal à lui même : à la fois très proche et absolument insaisissable.
Le film est disponible en vidéo à la demande jusqu’au 25 décembre, ici https://vimeo.com/ondemand/goodmovie
«Good», un film de Patrick-Mario Bernard
Première à Paris le 26 décembre à l’Espace St Michel à 20 h 15, en présence du réalisateur et de Rodolphe Burger. Toujours à l’affiche après le 26 décembre et en avant-programme d’une sélection de concerts à partir de janvier 2019.