[Critique] « Lucy » : Luc Besson déifie Scarlett Johansson dans un délire SF inabouti
Lucy va à coup sur diviser. Porté par une Scarlett Johansson investie et charismatique, le film est un trip bizarroïde, très court, qui file à 100 à l’heure et n’hésite pas à pousser son concept jusqu’au bout, en risquant le ridicule et l’absurde. Pas le meilleur Besson et manquant d’émotion Lucy reste un divertissement efficace qui retrouve par moments la folie jouissive de notre Luc national.
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Synopsis officiel : A la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, une jeune étudiante voit ses capacités intellectuelles se développer à l’infini. Elle « colonise » son cerveau, et acquiert des pouvoirs illimités.
Lucy n’est pas vraiment le mix annoncé entre Nikita et Le Cinquième Élément. On retrouve certes des flics français, beaucoup d’humour, de la bastonnade, un personnage féminin surpuissant et un univers de science-fiction kitsch et coloré. Eric Serra apporte sa touche musicale toujours aussi unique dans une de ses meilleures BO, ajoutant un zeste d’étrangeté au détour de chaque scène. Mais Luc Besson a souhaité se renouveler en pensant un film radicalement différent, conceptuel, entièrement dédié à son postulat de science-fiction. Lucy est construit et monté comme une course contre la montre, de 10 à 100 %, jusqu’à l’ultime transformation précédant l’apparition très abrupte du générique de fin. Chaque scène d’action est un prétexte pour découvrir les nouveaux pouvoirs de la belle, de plus en plus détachée des éléments qui l’entourent. Besson a cherché à trouver du rythme pour dynamiser cette course folle d’1h29, quitte à en rajouter. Il joue avec maladresse d’effets de montage soulignant les parallèles avec le règne animal et présentant un cours magistral de Morgan Freeman sur la théorie des 10 %. On prend beaucoup de plaisir devant les scènes d’action finalement assez peu nombreuses et à certains seconds rôles quasiment parodiques. Mais c’est en allant vers le grand n’importe quoi que Lucy trouve sa voie et son charme. Plus le personnage principal se rapproche des 100 %, plus Scarlett Johansson approche un statut quasi divin, ouvrant à l’infini le champ des possibles pour la mise en scène de Besson.
Il faut reconnaître au réalisateur un jusqu’au-boutisme et un entêtement qui pousse parfois le film vers le ridicule mais l’éloigne du tout venant de la série B estivale. Scarlett Johansson est parfaite, trouvant le bon équilibre pour susciter l’empathie du spectateur tout en incarnant un personnage qui se détache progressivement de la réalité et perd son humanité. Il est pourtant difficile d’être totalement enthousiaste en sortant de la projection. Besson n’évite pas les maladresses, laisse parfois un sentiment d’amateurisme flotter sur plusieurs scènes mal gérées et une incapacité à coordonner une certaine prétention dans le discours métaphysique et un côté cartoonesque et ludique plus adolescent. Lucy manque surtout d’émotions, cette sensibilité naïve souvent critiquée qui caractéristique tout le cinéma de Besson, du Grand Bleu à Léon et qu’on ne retrouve ici que dans un coup de fil de Lucy à sa mère. Pas de chef-d’oeuvre donc et Le Cinquième Élément peut dormir sur ses deux oreilles. Et pourtant, on sent intacte une véritable envie de faire du cinéma, de pousser ses idées jusqu’au bout, de proposer un spectacle différent. On pourra reprocher beaucoup de choses à Lucy. Pas son originalité et sa liberté. Proposer un trip sous acides allant dans toutes les directions, s’aventurant dans un discours scientifique et philosophique entre deux folles bastonnades est une recette de cinéma trop rare. Même si elle est ici imparfaitement exécutée.
Gilles Hérail
Lucy, un film de science-fiction français de Luc Besson avec Scarlett Johansson et Morgan Freeman, durée 1h29, sortie le 6 août 2014
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