[Critique] du film « War Dogs » Miles Teller et Jonah Hill rois du business militaire
Todd Phillips signe une comédie satirique qui fait froid dans le dos, s’inspirant de l’improbable histoire vraie de deux amis d’enfance qui se lancent (avec succès) dans la fourniture d’armes pour Le Pentagone. War Dogs offre à Jonah Hill un rôle à sa démesure tout en décortiquant avec pédagogie un fait-divers à la fois absurde et glaçant interrogeant le business de la guerre dans la lignée de Lord of War. Notre critique.
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Synopsis officiel: Deux copains âgés d’une vingtaine d’années vivant à Miami Beach à l’époque de la guerre en Irak, profitent d’un dispositif méconnu du gouvernement fédéral, permettant à de petites entreprises de répondre à des appels d’offres de l’armée américaine. Si leurs débuts sont modestes, ils ne tardent pas à empocher de grosses sommes d’argent et à mener la grande vie.
Rolling Stones avait rapporté dans le détail cet improbable fait-divers, de deux potes entrepreneurs se lançant avec succès dans le business de la fourniture de matériel militaire. Réussissant à décrocher un contrat en or massif de 300 millions de dollars pour le Pentagone, sans que personne ne s’en émeuve. War Dogs reprend le matériau initial en y ajoutant une bonne dose de fiction, pour emmener son récit vers la comédie satirique flamboyante (façon Le loup de Wall-Street et Les rois du désert). La filiation avec Lord of War est évidente mais les deux films se distinguent dans leur approche du sujet. Alors qu’Andrew Nicol présentait un surdoué cynique faisant son beurre sur les conflits du monde entier, Todd Phillips dresse le portrait de jeunes entrepreneurs qui servent d’idiots utiles tout en prenant finalement relativement peu de risques. Deux gugusses qui se lancent dans le commerce d’armes par pur opportunisme, en profitant de la politique de mise-en-concurrence des contrats du Pentagone qui sélectionne par appel d’offres chaque petit marché. Avec du culot, de la tchatche, du bagout et un peu d’inventivité, leur petite firme va commencer à gagner de plus en plus gros, jusqu’à décrocher une commande en or massif pour réarmer l’Afghanistan.
War Dogs commence par un exposé très court mais implacable sur le business de la guerre. Teinté de politique, enrobé d’enjeux idéologiques, mais qui reste avant tout une machine à cash. Avec ses coûts, ses prix, ses fournisseurs, sa logistique et sa concurrence, pour se partager un immense gâteau qui représente 600 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis (évaluation des dépenses militaires américaines l’année dernière selon les données du SIPRI). Un marché prioritairement préempté par les grandes firmes d’armement, mais qui nécessite également des intermédiaires malins en capacité de dégoter plus vite et moins cher que les autres, auprès de fournisseurs douteux qui ne pourraient ouvertement commercer avec l’armée américaine. Le scénario capte à merveille l’absurdité de la situation et sait utiliser la démesure de Jonah Hill qui s’éclate dans son rôle de seigneur de guerre improvisé. On rit jaune devant les délires d’un moins que rien qui devient le roi du pétrole en profitant de l’incroyable chaos laissé par les guerres de l’administration Bush. Et la comédie satirique fonctionne parfaitement, tout en laissant un goût plus qu’amer. Todd Phillips (Very bad trip) n’est clairement pas un cinéaste politique et semble parfois s’excuser du caractère militant de son film, préférant se concentrer sur la dimension individuelle de l’affaire (une relation maitre/disciple très classique entre les deux associés). Mais on n’avait pas vu depuis The Big Short une comédie américaine grand-public aussi féroce dans son discours.
War Dogs, une comédie dramatique américaine de Todd Phillips avec Miles Teller et Jonah Hill, durée 1h55, sortie le 14/09/2016