
A l’Abordage de Guillaume Brac, comédie d’apprentissage pleine de charme
Depuis Un monde sans femmes, avec Vincent Macaigne, Laure Calamy et Constance Rousseau (2011), comédie tout en timidité et sensibilité, nous attendons avec impatience les films de Guillaume Brac (Tonnerre en 2014, Contes de Juillet et le documentaire L’Ile au Trésor en 2018). A l’Abordage nous offre une bulle de fraîcheur, légère et grave, sur la manière dont les relations se nouent. Le film est diffusé sur Arte vendredi 28 mai à 20h50 : à voir absolument !
Aborder une jeune fille, c’est se lancer à l’abordage, dans l’inconnu. Un soir d’août, Félix (Eric Nantchouang) flâne sur les quais de Seine, où la musique invite à la rencontre. Une danse bien accordée avec la belle Alma (Asma Messaoudene) se prolonge en une nuit idyllique dans le Parc Montsouris. Au matin, la jeune Cendrillon doit prendre son train pour un mois de vacances dans sa maison de famille. Comment savoir si l’histoire peut se poursuivre ? En allant sur place, faire la surprise à Alma. Pas d’autre moyen : ça passe ou ça casse, mais, au moins, Félix en aura le cœur net.
Intrépide, assez confiant, le jeune homme embarque néanmoins avec lui son ami Chérif (Salif Cissé), d’une gentillesse à toute épreuve. Peu d’argent, donc co-voiturage : Edouard (Edouard Sulpice), jeune homme de bonne famille, plutôt timide, s’attend à prendre à bord deux jeunes filles. Il va devoir composer avec nos deux amis, encombrés de leurs tentes et bagages. Les frictions s’aplanissent vite devant l’enjeu romantique du voyage. Ils n’osent pas le dire carrément à Félix, mais Chérif et Edouard doutent un peu du succès de l’entreprise.
Guillaume Brac et Catherine Paillé ont construit une intrigue fluide et merveilleusement enchevêtrée dans les maladresses, contradictions et hardiesses les plus inattendues. Le trio improbable se renifle, s’apprivoise, en particulier Chérif et Edouard, que les circonstances forcent à partager une tente. Aussi gentils et timides l’un que l’autre, ils ne tardent pas à se reconnaître comme deux “galériens” de l’amour.
Alors que Félix fonce bille-en-tête vers ses rêves de conquête et qu’Edouard grimpe les cols à vélo, Chérif, embarrassé par son poids, reste au camping. Les otites chroniques l’empêchant de se baigner, il noue, peu à peu, une amitié avec une jeune maman que son mari a laissée seule en vacances avec son bébé (Ana Blagojevic, très touchante). Attentif, plein d’égards, le jeune homme se sent pousser des ailes à s’occuper ainsi de l’adorable bout de chou (le bébé est la fille de Guillaume Brac, Irina Brac Laperrousaz, qui incarne son premier rôle à l’écran). S’il travaille comme magasinier, Chérif fait des études : il aurait pu tenter les écoles de commerce, mais la question de l’égalité des chances lui semble un peu jouée d’avance. Avec Edouard, il parle des filles, de Félix, mais aussi un peu du jeu des distinctions sociales.
Tout en subtilité, le film serpente entre les sentiments, les bonnes intentions et les façons, souvent brusques, de se comporter. Cinéaste des paysages, Guillaume Brac excelle à filmer la rivière et la petite ville de Die. A ce jeu, la jolie Alma, insouciante, un peu étourdie, n’est pas la moins maladroite. La comédie, sentimentale, sociale, conserve tout du long un charme frais, irrésistible. Rien de pesant dans les dialogues ou dans l’histoire, qui réserve son lot de surprises.
Une carte du tendre, une comédie d’apprentissage, d’une grande délicatesse.
A l’Abordage, de Guillaume Brac, France, 95 minutes, écrit par Guillaume Brac et Catherine Paillé, avec Eric Nantchouang, Salif Cissé, Edouard Cissé, Asma Messaouedene, Ana Blagojevic, Lucie Gallo, Irina Brac Laperrousaz. Diffusion sur Arte vendredi 28 mai à 20h50.
visuel : (c) Jour2fete