Arts
Lyon : Une biennale qui pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses

Lyon : Une biennale qui pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses

29 December 2019 | PAR Antoine Couder

Une dernière promenade dans les différents halls de l’ex usine Fagor de Gerland;  «Là où se les eaux se mêlent» indique la base-line de cette 15ème Biennale de Lyon qui s’achève ce 5 janvier.

29 000 m2 aux mains de sept jeunes commissaires pour une exposition — appelons là ainsi — composée pour 95 % d’œuvres produites pour l’occasion. «Là où les eaux se mêlent» c’est bien sûr cette confluence si proche entre le Rhône et la Saône, c’est aussi un recueil de poèmes de Raymond Carver (dont le lien avec cette Biennale est pour le moins incertain), c’est enfin — et surtout — cette rencontre entre la fabrication industrielle et la création artistique là où en effet ces deux là se mêlent en même temps qu’elles se démêlent. 

Trace du travail. Tricotage et détricotage, n’est ce pas l’une des vocations de l’art contemporain à «jouer» à être pour “montrer” ce qui se passe ailleurs et autrement ? Dans ces halls que l’on traverse dans le froid, on n’est bien souvent saisi par l’ellipse et l’on se retrouve également confondu par nos fausses croyances. On s’interroge mais on ne speut plus faire semblant de ne pas voir : ce qu’est le travail, le bruit d’une usine, la destruction de l’environnement. Néanmoins, et c’est bien dommage, à aucun moment on ne visualise le collectif de travail, ce qu’on y faisait «en vrai», comment y vivaient ceux qui y turbinaient. Pas de rencontre avec les anciens, presque pas de «dispositif» qui nous éclaire sur la fabrication de cet électroménager d’un autre temps, aujourd’hui chassé dans les zones à faibles coûts. Rien non plus sur l’environnement social et urbain de ce Gerland en pleine transformation, aujourd’hui tendu par l’arrivée d’une middle-class plus aisée que la population «vernaculaire», héritière des cités jardins où cohabitaient usine et loisirs, paternalisme et travail de force. En fait, pas de trace de travail dans ces usines muséographiées ou alors si peu … Esotérisme parfois confondant. 

Une vie bien propre. Il serait néanmoins injuste de n’y voir qu’une suite d’installations hors-sol et insensibles à la réalité ambiante. D’abord parce que la promenade est pleine de surprises et les œuvres souvent intéressantes; ensuite parce que les conditions de déambulations se révèlent propices à des rencontres avec les autres  visiteurs  : une sorte de «privilège» dans le monde hyperurbain. Enfin parce qu’elle offre Gerland au public international. Gerland où, longtemps le foot a été roi, où les abattoirs sont devenus – un temps-  des salles de concert (le mémorable concert des Rolling Stones en 1976) …  Une opportunité de découvrir autrement cette ville de Lyon, par son versant sud, «là où les eaux se mêlent», petites activités de pêche d’antan et université catholique autrefois bâtiment de prisons célèbres, Saint-Paul et Saint Joseph. De l’autre côté du grand Rhône le district de la Guillotière, cœur de pauvreté et d’immigration de centre-ville, toujours théâtre de faits divers tantôt tragiques tantôt attendrissants. C’est bien tout cela qui sous-tend le bruit des moteurs de machines à laver et de cette vie bien propre que concoctait il y a 50 ans la population des quartiers. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? On aurait aimé en savoir un peu plus.

Visuels : affiche et resurrection, 2019 (c) anselm kiefer et jean-philippe simard 

 

 

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Antoine Couder
Antoine Couder a publié « Fantômes de la renommée (Ghosts of Fame) », sélectionné pour le prix de la Brasserie Barbès 2018 et "Rock'n roll animal", un roman édité aux éditions de l'Harmattan en 2022. Auteur d'une biographie de Jacques Higelin ("Devenir autre", édition du Castor Astral), il est également producteur de documentaires pour la radio (France culture, RFI).

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