Arts
Les juifs du Maghreb dans l’Oeil de l’Orientalisme au MAHJ

Les juifs du Maghreb dans l’Oeil de l’Orientalisme au MAHJ

07 March 2012 | PAR Yaël Hirsch

A partir du milieu du 19e siècle, le fameux voyage en Orient des artistes et écrivains français leur ouvre la porte à mille et une vies, y compris celles des communautés juives vivant au Maghreb. A partir de tableaux de grands noms comme Delacroix, Gérôme, Vernet ou Chassériau mais également d’Orientalistes moins connus comme Alfred Dehodencq ou Jean Lecomte du Nouÿ.  En 5 sections, l’exposition interroge la manière dont la découverte de ces  communautés d’Orient  a influencé le représentation des juifs de la Bible à l’État d’Israël. Jusqu’au 8 juillet 2012.

Organisée de manière thématique l’exposition “Les juifs dans l’Orientalisme” commence par des scènes de la vie quotidienne des juifs au Maghreb. Qu’il s’agisse de Chassériau en Algérie (dont les fameuses juive d’Alger au balcon, 1849) ou Delacroix au Maroc (La Mariée juive au Maroc, 1852), les peintres ont souvent plus facilement accès à des modèles de femmes orientales juives que musulmanes. Ils découvrent également une vie rituelle orientale qu’ils dépeignent avec précision, comme par exemple “Le Samedi dans le quartier Juif” de Jean Lecomte de Nouÿ (1887). Et représentent certaines histoires clés pour les juifs d’orient : dans “L’exécution de la juive” (1862), Alfred Dehodencq reprend la légende d’une jeune femme qui s'”tait convertie à l’Islam pour sauver sa vie et qui a été exécutée pour avoir continuer à suivre sa religion originelle et qui a beaucoup marqué la communauté juive de Tanger. La deuxième partie de l’exposition reprend le fameux “Voyage en Terre Sainte” et se focalise sur la représentation de Jérusalem (Thomas Seddon, Gustav Beuernfeind). Représentation qui transforme certaines visions de l’Ancien et du Nouveau testament, comme le montre la troisième section de ce beau voyage : d’abord à travers la reprise de grands thèmes bibliques par des peintres comme Horace Vernet, Lawrence Alma6tadema ou Edward Armitage; et ensuite à travers des illustrations de Gustave Doré ou James Tissot, présentées en de petits écrins au premier étage.

Enfin, cette relecture orientaliste de la Bible coïncide avec l’apogée de la femme fatale, telle Judith, Esther (Chassériau) ou Salomé (Gustave Moreau). La quatrième partie de l’exposition interroge la relecture de l’histoire juive à partir du prisme des peintres orientalistes. A travers certaines toiles de Henri-leopold Lévy ou de Eduard Bendemann, des épisodes clés de l’histoire juive comme l’exil babylonien sont reconsidérés.

Certes, l’exposition présente historiquement ces peintures orientaliste sans aucun aspect critique hérité d’Edward Saïd ; mais la dernière partie met tout de même le sujet à distance en montrant comment les juifs eux-mêmes se sont imprégnés de cet orientalisme pour représenter les hébreux modernes.L’ultime section, au 3e étage, est absolument passionnante. Elle présente d’une part  les œuvres l’école d’art de Jérusalem, ouverte en 1906 autour de Boris Schatz, Abel Pan, Zeev Raban et Ephraïm Moses Lilien. l’on est conquis par la beauté surprenante des toiles à la fois expressionnistes et inspirées de l’orientalisme. Et l’expo montre bien que l’on retrouve cette double influence à l’international : par exemple dans les toiles du berlinois Lesser Levy. Enfin, l’imaginaire orientaliste a pu être repris par le sionisme, comme le montre avec a propos une affiche de Zeev Raban intitulée “Come to Israël”.

Présentant des ouvres magnifiques et souvent méconnues, l’exposition “Les juifs dans l’Orientalisme” parvient de manière thématique à montrer comment les juifs du Maghreb et du Moyen-Orient ont eux-mêmes récupéré les symboles et les fantasmes qui leur avaient été imposés par les Européens pour repenser leur histoire et leurs engagements. Un voyage passionnant, qui s’accompagne, comme toujours au MAHJ, de divers activités connexes jusqu’à l’été, dont deux concerts, un cycle de lectures et un colloque les 22 et 23 mai “de la Torah aux Hadith : Les juifs et l’Orientalisme”.

Affiche : Théodore Chassériau, Juives d’Alger au balcon, 1849, Musée du Louvre © Daniel Arnaudet / Réunion des musées nationaux, Paris

Grand format : Mauricycy Goettlieb, Le Christ devant ses juges, 1877-1879, The Israel Museum, © Elie Posner, The Israel Museum, Jérusalem

1) Théodore Chassériau, Juives d’Alger au balcon, 1849, Musée du Louvre, © Daniel Arnaudet, RMN, Paris

2) Gustave Moreau, salomé, 4874-4876, Musée national Gustave-Moreau, Paris, © Christian Jean / Réunion des musées nationaux, Paris

3) Lesser Ury, Moïse regarde la Terre promise avant sa mort, 1828, Jüdisches Museum Berlin, © Jens Ziehe / Jüdisches Museum Berlin.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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