Arts
Ghada Amer : les supports en éclat

Ghada Amer : les supports en éclat

27 April 2023 | PAR Noemie Wuchsa

Il y a dix jours, à Marseille, l’exposition sur l’artiste Ghada Amer touchait à sa fin. Une première en France pour cette figure animée par la transdisciplinarité. Disposées en trois sites muséaux de la ville, dont le Mucem et le Frac, les œuvres se sont particulièrement jouées de la lumière et de l’espace dans la Chapelle du Centre de la Vieille Charité, avec un zoom sur son œuvre sculpturale. Focus et retour sur cette riche production, entre mystique et plastique, à l’origine créative intime, incisive, militante et multiforme. 

Devant l’amer : premiers horizons orageux

Née au Caire, Ghada Amer traverse un contexte infantile houleux, dans une zone géopolitique complexe. Son père, diplomate, amène sa famille à bouger souvent, avant que la famille ne s’installe à Nice, au milieu des années 1970. Malgré son entrée à l’école d’art niçoise, s’affirmer en femme peintre n’est pas gagné ; Amer se voit refusée des cours de peinture. Entre souci de justice et de légitimation de son travail, l’artiste met l’accent sur les enjeux de représentation, entre l’Orient et l’Occident, en interrogeant la dimension postcoloniale et les clichés – photographiques, stéréotypiques – des sex-symbols féminins perçus par les hommes. Cet engagement féministe prédomine et perdure ardemment dans ses œuvres, dans des sens plus figurés encore. 

Devant la mer : pour une exploration politique des supports

L’espace de la chapelle marseillaise a amené la clarté, une vitalité renouvelée, avec des œuvres au centre, puis étendues sur les petites ailes autour. Dans cette exposition, les œuvres font écho à sa formation initiale. La proximité entre plastique et textile ne tend qu’à un fil : couture et broderie cohabitent avec des supports plus prosaïques comme la céramique, le bronze, constituant des sculptures tantôt explicités, tantôt singulières, attestées par la série des Pensamientos (2017-2019), ensemble de petites formes abstraites en céramique vernissée. 

Mais la peinture lui importe beaucoup. Elle flirte avec l’oubli du danger. 

Dans ses souvenirs de la guerre des Six Jours, l’école pdt alarme leur donnait des pinceaux. Pour “soulager l’angoisse”. Même dans sa production de deuxième art, la peinture occupe une place hybride, qui s’immisce en filigrane. Elle arrive en crescendo et naît dans des installations, des sculptures, des jardins. 

Et les femmes dominent. 

Ces visages anonymisés resplendissent, entre inspiration pop-culturelle et pornographie, et incarnent le point central dans son affirmation stylistique et politique. Comme pour sa Géante (2017), en fond sombre, quasi cartonné, qui tend à humaniser une silhouette de pin-up. 

L’exposition de “Ghada Amer – Sculpteure” mêle intelligemment et simultanément tous les médiums, ce qui permet de renverser à la fois la domination esthétique (d’un art sur un autre) et générique (d’un genre sur un autre), pour fonder un monde commun, féminisé, joueur et affranchi.

Crédit image : Mucem         /        Images de l’exposition : Photos personnelles

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