Les maisons à rêver de Martine Aballéa
L’hiver, la nuit qui s’allonge est propice au sommeil et à l’augmentation de la fréquence des rêves. Au Palais idéal du facteur Cheval, Martine Aballéa nous propose cet hiver sa cabane à rêver.
Frédéric Legros, le directeur du Palais idéal, a invité Martine Aballéa à créer un projet spécifique pour le lieu. Celle-ci a répondu par La maison lointaine, une proposition en trois étapes : une installation dans l’espace d’exposition, une autre dans la maison du facteur Cheval et la création de six cartes postales. Si les cartes postales ont très tôt fait partie du travail de Martine Aballéa, elles font également référence au mythe selon lequel Ferdinand Cheval gardait les cartes postales du monde entier qu’il livrait sur ses tournées comme inspiration pour la construction de son palais.
Si cette histoire tient plus de la fiction, elle s’intègre pourtant très bien au mythe qui s’est construit autour du facteur Cheval et de son palais. Entre autofiction et rumeurs, l’imagination s’est immiscée dans la réalité, tout comme le rêve a guidé la longue réalisation du palais. Et c’est du rêve qu’est partie Martine Aballéa, ainsi que de son expérience dans la chambre du facteur, dans sa maison jouxtant le palais. De sa question “où rêve un rêveur?” est née sa Maison lointaine, une chambre à rêver.
Cette chambre particulière est une cabane de conte de fées, perdue au milieu d’une forêt nocturne, dense, mais tranquille. Dans les contes, le héros traverse souvent une forêt, symbole de l’aventure et des épreuves à surmonter, et trouve un refuge – plus ou moins sûr – dans une cabane qui semble souvent apparaître de façon mystérieuse. Ici, la cabane ressemble à la première tiny house construite par l’américain Charles Miller en 1929. Peinte en noir, ses arrêtes sont soulignées de blanc et de rubans LED. La lumière fait presque disparaître la cabane dans la pénombre, ne laissant que son dessin lumineux s’imprimer sur nos rétines.
Dedans, un lit, un chevet et une lampe de chevet, l’équipement minimal pour rêver. Mais percée de dix fenêtres, comment y trouver l’intimité nécessaire au lâcher prise ? La cabane devient un espace d’observation, tant du paysage extérieur que de son intérieur. Le rêveur observe la forêt, qui surveille le rêveur. À l’inverse, Martine Aballéa a occulté l’intérieur de la maison du facteur par des rideaux aux motifs végétaux colorés de sa composition. Le paysage, qui a tant inspiré la construction du palais, semble occuper tout l’espace intérieur, comme si les rêves avaient pris corps et s’étaient dilatés jusqu’à prendre toute la place.
Nous ne pouvons ni entrer dans la maison du facteur Cheval, ni dans la maison lointaine. Pour l’une la nature nous repousse à l’extérieur quand pour la seconde elle nous appelle à tourner notre regard vers l’intérieur. Là le rêve occupe tout l’espace, tandis qu’il semble se recroqueviller dans sa cabane presque en 2D, absorbant l’inspiration de tous ses yeux. Mais dans les deux cas, le rêveur est seul avec ses pensées, entre la bulle protectrice et l’isolement. Après tout, rêver est une activité solitaire, qui ne se passe qu’entre soi et son inconscient.
Martine Aballéa – La maison lointaine
Du 10 décembre 2022 au 28 mars 2023
Palais idéal du facteur Cheval
Visuels : 1-2- Vues in situ « La Maison lointaine » de Martine Aballéa – Martine Aballéa, La Maison lointaine, 2022 – Courtesy de l’artiste et du Palais idéal – Photographe : Margot Montigny / 3-4- Martine Aballéa, La Maison lointaine, 2022. Courtesy de l’artiste et du Palais idéal.
