Escapade contemporaine à Chaumont-sur-Loire
Tous les châteaux de la Loire ont leur histoire ; les rois, les reines et les héritiers ont marqué de leur empreinte des domaines entiers, couvert de fleurs les plaines vierges et construit d’immenses palais entourés de luxueuses écuries. Aujourd’hui, cette histoire se continue à travers des réinventions, des muséographies et des aménagements qui permettent aux cars de touristes de visiter sans s’ennuyer ces témoins d’une grandeur passée. Bon. Mais un château fait figure d’exception et s’inscrit avec panache dans l’histoire contemporaine : car après Catherine de Médicis, Diane de Poitiers et la Princesse de Broglie, c’est au tour de la très sympathique Chantal Colleu-Dumond de marquer de son sceau le magnifique domaine de Chaumont-sur-Loire. En invitant pour la huitième année des artistes contemporains à investir le château, les dépendances et le jardin de Chaumont, la directrice du domaine tisse un lien très fort entre la splendeur du passé et l’éloquence de la modernité.
Cette année, de nouveaux artistes sont donc intervenus sur le domaine, complétant la belle collection déjà acquise (Jannis Kounellis, Sarkis, Gabriel Orozco…). Parmi eux, le français Marc Couturier (né en 1946) propose un parcours très végétal dans plusieurs parties du domaine, à partir de son obsession pour l’aucuba. L’aucuba est un arbuste que l’on trouve dans tous les parcs, dans tous les squares et parfois même dans les parkings ; très résistant au froid, à la pluie et à toutes sortes d’intempéries problématiques, il est l’emblème de la plante de ville, aux feuilles allongées et tachetées de blanc. « C’est le genre de plantes qui dérange quand on veut se garer par exemple » rit l’artiste Marc Couturier, avant d’expliquer pourquoi il a voulu faire redécouvrir cette plante mal-aimée : il voit dans ses tâches blanches des constellations d’étoiles… (Charmant n’est-ce pas ? Chantal Colleu-Dumond s’amuse d’ailleurs de sa manie toute particulière de voir des paysages dans des murs sales, ou autres inventions intempestives qui subliment le quotidien). Partant de cette transformation poétique – vous verrez, impossible après ça de regarder un aucuba sans y penser –, il en a recouvert de grandes vitres et un étrange tapis volant, et a posé des feuilles partout. Au fil de la balade, l’obsession progresse et arrive à son acmé lorsque, dans la salle finale, une petite feuille de lumière se détache au détour d’un regard… À vous de la trouver !
Ce très joli travail introduit les photographes et vidéastes également présentés à l’intérieur du château, dont la plus belle découverte est Quayola (né en 1982). Ce jeune artiste italien présente une vidéo très étonnante, qui fait danser les pixels d’images de paysages sur des sons lourds, ultra-contemporains : c’est parfaitement hypnotisant et très spectaculaire. Une pépite ! Tout aussi remarquable quoique beaucoup plus délicat, les photographies de l’anglais Andy Goldsworthy (né en 1956) : elles présentent des travaux de Land Art dans la nature. Petites installations de plumes, de pierres, colliers de fleurs, juste posés au bord d’une rivière ou dans l’herbe sauvage… Ici la photographie est le témoin de gestes infimes et magnifiques, sauvés de l’oubli par le déclic de l’appareil. Et, bonne nouvelle : vous pouvez retrouver Andy Goldsworthy dans le grand parc qui entoure le château et voir in situ l’une de ses œuvres, toujours en dialogue étroit avec la nature (photo ci-contre) : mi-minéral mi-végétal, il s’agit d’un gigantesque œuf de pierre autour duquel va pousser un platane petit à petit. L’installation ne sera donc jamais la même et, d’année en année, sera le témoin du miracle de la nature.
Au loin, vestiges des expositions précédentes, vous pouvez apercevoir une belle sculpture de Vincent Barré, ou, derrière vous, les très impressionnantes Racines de la Loire de Nikolay Polissky, immenses lianes de ceps de vignes déployés sur l’herbe, ou encore, dans les arbres, des cabanes de Tadashi Kawamata. La chapelle du château a quant à elle été magnifiquement investie par Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger, qui y ont installé un trésor sauvage de branchages, de feuilles et de fleurs colorées.
Vous l’aurez compris, la balade à Chaumont-sur-Loire est riche de découvertes : disposant de trois restaurants (servant une cuisine de jardin, piochant dans le potager du château ses délicieuses carottes et betteraves), le domaine se prête tout à fait à une longue journée de visite, la Loire en arrière-plan sauvage. Vous pourrez ainsi voir la lumière du jour modeler les œuvres extérieures, amoncellement de troncs colorés d’El Anatsui (photo ci-dessus), arbre de Giuseppe Penone (photo ci-contre), ou entrer dans les dépendances et apercevoir les agrumes de Pauline Bazignan ou encore les sculptures sombres de Lee Bae. Venus du monde entier, les artistes sont comme chez eux au pays des rois et reines !
Informations pratiques :
Domaine de Chaumont-sur-Loire
Ouvert tous les jours, de 10h à 18h30
Plein tarif : 12,00 €
Tarif réduit : 7,00 €
Enfants de 6 à 11 ans : 4,00 €