Expos

« Colors, etc », la palette de la création à Lille

01 July 2021 | PAR Laetitia Larralde

Cet été, les couleurs envahissent Lille. Au Tripostal, à l’Institut pour la photographie et à l’église Sainte-Marie-Madeleine, l’art, le design et l’artisanat mettent de la couleur dans nos vies.

Les expositions Colors, etc et Young Colors ne sont pas un simple nuancier, bien au contraire. Centrées autour du design, de l’art et de l’artisanat, on interroge les relations entre la couleur et l’espace, le rôle de la lumière, son impact social et psychologique, tout en mettant en avant la recherche dans le design contemporain. Bien que délimité, le champ d’exploration est vaste, et les trois niveaux du Tripostal ne sont pas de trop.

Couleur, lumière et espace

Plusieurs œuvres ont été créées in situ et permettent une expérience physique des effets de la couleur sur l’espace. Dès l’entrée, l’installation Remain in light de Liz West nous enveloppe de couleurs pop. Les lumières colorées prennent possession de l’espace, projetant la couleur sur tout leur environnement, visiteurs compris. Dans une autre approche, l’installation Ballon Jaune, le contenant et le contenu de Penique Productions plaque un plastique jaune sur deux pièces et leur contenu par un système de ventilateurs qui gonflent la sculpture jaune. Nous sommes à l’intérieur du ballon dont la couleur semble flotter dans l’air lui-même.

L’œuvre de Dawn Bendick, Unequating Time, met en relief le rôle quasi magique de la lumière sur ses sculptures. Recréant le cycle de la lumière du jour, ses sculptures en verre dichroïque, composé de nanoparticules de métal, changent radicalement de couleur, passant du vert au rose. Notons également la très belle installation First Light de Georg Lendorff où la lumière colorée projetée sur des fils suspendus servant d’écran crée un espace où l’on peut facilement se perdre.

Couleur et société

Le rôle social du design et de la couleur est abordé notamment par l’œuvre de Fernando Laposse. Il évoque la fabrication du pigment rouge à partir des cochenilles vivant sur les figuiers de barbarie, endémiques du Mexique. Rare et couteux, ce pigment, avec les mines d’argent, a fait la richesse des conquistadores espagnols et a financé de nombreuses architectures, issues de l’appropriation d’une ressource et d’un savoir-faire traditionnel.

Les artistes Navine G. Kahn-Dossos et Lynne Brouwer travaillent toutes les deux sur l’impact inconscient de la couleur. Si le ressenti et la signification des couleurs varie selon les cultures et selon les personnes, elles ont néanmoins cherché à rendre des lieux porteurs d’expériences désagréables tels que les hôpitaux pédiatriques pour la première et les prisons, funérariums ou établissements psychiatriques pour la seconde, plus supportables grâce aux couleurs utilisées dans l’aménagement.

Une grande partie de l’exposition est dédiée à la recherche. En effet, le design contemporain est souvent la somme d’études, de collaborations ou de passerelles avec d’autres disciplines menant à la forme finale. Association de la couleur de la terre et de celle de l’émail pour trouver de nouvelles teintes de céramique, création de pigments naturels ou qui pourraient soigner par contact du textile teint et de la peau, ou encore utilisation de déchets industriels : les recherches sont variées et font montre d’une démarche éco-responsable.

Les couleurs de van Eyck

Conçue en partenariat avec le Design Museum Gent, l’exposition s’inscrit à l’origine dans l’année van Eyck de Gand. Autour du retable de la cathédrale de Gand L’Agneau mystique des frères van Eyck, peint au XVème siècle et récemment restauré, la Pigment walk se déploie comme autant de références à l’œuvre. A partir de peinture à l’huile et de vernis transparents et colorés, Jan van Eyck a réussi à trouver de nouvelles nuances de couleurs, à donner de la profondeur ou à faire ressentir la matière de ce qu’il représente. Autour de treize détails à la couleur précise du retable, art et design viennent répondre aux questions que se posait le peintre flamand. On déambule au milieu d’une centaine d’œuvres et objets, de Patricia Urquiola, Ettore Sottsass, Nendo ou encore Konstantin Grcic ou Azuma Makoto, passant d’un univers coloré à l’autre.

Young colors

A l’Institut pour la photographie et dans l’église Sainte-Marie-Madeleine, l’exposition Young Colors a pour but de mettre en lumière les jeunes créateurs fraîchement diplômés de onze écoles de la métropole lilloise et de Belgique. Dans ces deux lieux à la destination détournée, un ancien hôtel particulier transformé en école transformée en musée et une église devenue lieu d’expositions, trente-huit artistes sont exposés autour du thème de la couleur. Avec des pratiques relevant des beaux-arts, de l’architecture, de la mode, des arts appliqués ou du design, Young Colors offre un panorama de la création contemporaine.

Objets, peintures, films d’animation ou 3D, installations, photo, textile ou vidéo, les propositions sont variées et se disséminent dans l’espace labyrinthique de l’Institut pour la photographie, entre intérieur et extérieur, recoins et circulations. Les œuvres mettent en avant les questions de la perception de la couleur liée à la lumière et la symbolique à la fois culturelle et intime. Du végétal aux étoiles, du vivant à l’inanimé, les artistes n’en sont qu’au début de leurs explorations, qu’on leurs souhaite longues et fructueuses.

La couleur, question essentielle à la base de toute création, est un sujet vaste et captivant tant une simple nuance peut influencer notre ressenti. Si Colors, etc nous donne un bon aperçu des enjeux en place, le sujet pourrait encore donner lieu à de très nombreuses expositions et créations. Espérons que la palette des artistes reste toujours aussi large et nuancée.

Colors, etc
Du 19 mai au 14 novembre2021
Tripostal, Lille
Young colors
Du 19 mai au 04 juillet 2021
Institut pour la photographie et église Sainte Marie-Madeleine, Lille

Visuels : 1- affiche Colors / 2- Liz West – Remain in Light – 2021 © maxime dufour photographies / 3- Colors, etc (vue d’ensemble) © maxime dufour photographies / 4- Georg Lendorff – First Light – 2021 © maxime dufour photographies / 5- Penique Productions – Ballon Jaune – 2021 © maxime dufour photographies / 6- Pigment Walk (vue d’ensemble) © maxime dufour photographies

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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