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Cette année, le Prix Marcel Duchamp 2019 met l’accent sur une sélection variée !

Cette année, le Prix Marcel Duchamp 2019 met l’accent sur une sélection variée !

09 October 2019 | PAR Chloé Coppalle

Le Prix Marcel Duchamp 2019, organisé avec le concours du Centre Georges Pompidou, présente quatre lauréats en lice pour cette dix-neuvième édition : Éric Baudelaire, Katinka Bock, Marguerite Humeau, et Ida Tursic & Wilfried Mille ! Exposée du 9 octobre 2019 au 6 janvier 2020, cette première sélection est effectuée chaque année par un ensemble de collectionneurs réunis par l’Adiaf (Association pour la Diffusion International de l’Art Français), qui procède à un vote. Vient ensuite un autre jury pour délibérer du résultat final, et qui sera annoncé le 14 octobre !

Ida Tursic & Wilfried Mille

Les premiers lauréats sont Ida Tursic & Wilfried Mille, deux artistes qui ont développé une pratique autour du sens de la peinture dans l’art actuel. Pour se faire, ils commencent par un travail autour du support. Ici, le contour de l’élément pictural est celui des formes représentées pour ne plus dépendre du cadre imposé par le châssis. La première oeuvre exposée sur la gauche en entrant dans la salle joue aussi avec la forme de son support, car ici il reprend la forme de la Croix noire, peinte par Malevitch en 1915. Le grand format en peinture est le format traditionnellement réservé aux sujets d’Histoire, or la forme du tableau est celle d’un signe réalisé dans une oeuvre faisant figure d’autorité dans l’histoire de l’art occidentale. Par dessus, ils réalisent une peinture abstraite et gestuelle en citant Rothko, créant une généalogie physique par la matérialité même du tableau, avant que par sa signification. En effet, les deux artistes travaillent aussi sur la tension entre figure abstraite, gestuelle et figurative. Dans leur travail, la figuration est réfléchie comme appropriation de l’image par son auteur. Par exemple, dans l’oeuvre Jeune fille pleurant son canard, de 2019, les deux artistes réutilisent une figure de Greuze, qu’ils déstructurent par l’ajout d’éléments extérieurs au tableau, tel un canari, qui est comme le chien, un animal de salon, pour aborder avec humour la peinture académique.

Le travail d’Ida Tursic & Wilfried Mille pose la traditionnelle question du médium pictural, question toujours un peu poussive de la place de la peinture dans l’art contemporain depuis les années 1960. Mais le Centre Pompidou nous a fait part que cette année, l’Adiaf tenait à réintroduire la peinture dans le Prix Marcel Duchamp. Dans l’ensemble, les réalisations comprennent des éléments intéressants comme le grossissement de taches de peinture pour forcer à regarder ce médium pour ce qu’il est physiquement, ou le lien avec la forme du cadre référant à Malévitch (d’après une oeuvre justement exposée à Pompidou!). Le tout est visuellement intéressant, dans un esprit pop art réinventé.

Marguerite Humeau

Benjamine de cette nouvelle édition, Marguerite Humeau travaille avec des scientifiques tels des paléontologues pour une réflexion sur des formes nouvelles ou disparues. Ces réalisations sont inspirées d’animaux aquatiques, notamment la forme de leur appareil respiratoire. Elle utilise une technique ultra-moderne pour réaliser des formes organiques, avec une finition parfaite qu’elle tient de sa formation en design. Les sculptures sont accompagnées d’un fond sonore qui sort des murs pour donner vie aux créatures. Cette ambiance sonore un peu étrange facilite l’immersion dans l’atmosphère organique et animale des sculptures. Dans The dancer II, on peut voir une sorte d’animal aquatique avec des nageoires qui aurait été emprisonné dans le sol. The Dancer I, quant à lui,  rappelle la morphologie du pistil d’une fleur.

La forme des sculptures donnent une impression de paisibilité grâce à la plastique très lisse et les couleurs nacrées, comme si elles avaient été immobilisées et durcies au sein même du musée. On a l’impression que les figures ont été arrêtées en mouvement, ce qui apporte une impression presque solennelle quand on est seul face à cet ensemble. Dans le film d’Eric Baudelaire, projeté d’à côté, un jeune garçon nommé David donne sa définition du cinéma : le 7ème art peut créer un monde avec des formes qui n’existent pas dans la vie réelle. C’est ce à quoi font penser ces sculptures : des formes nouvelles, qui n’existent pas, mais qui prennent vie ici.

Katinka Bock

Également exposée en ce moment à la Fondation Galeries Lafayette (du 9 octobre au 5 janvier 2020), Katinka Bock présente une installation post-minimale, in situ, et rejoint certains aspects de l’Arte povera, grâce à un savoir-faire de la sculpture académique tel que le moulage, ou la taille directe. L’œuvre est in situ car elle dépend de l’architecture du lieu. Les plaques de cuivres posées en damier et qui dessinent une sorte de scène au milieu de l’espace sont restées sur la terrasse du Centre Pompidou pendant un certains temps, ce qui a provoqué une oxydation du matériau. Sur ces plaques est posé un radiateur qui fut emprunté à un habitant du quartier, et si on suit sa tuyauterie des yeux, on se rend compte qu’il est connecté au bâtiment. Ainsi, chez Katinka Bock, le processus physique détermine le contour de l’œuvre, d’où le lien avec l’Arte povera. 

Ainsi, le visiteur pourra découvrir un ensemble réfléchit et immergé dans les murs du Centre Pompidou, mais qui laisse cependant perplexe un spectateur qui ne serait pas initié à la démarche de l’artiste.

Éric Baudelaire

Enfin, Éric Baudelaire quant à lui, présente un documentaire de 114 minutes, dévoile un montage d’images qui se sont déroulées sur quatre ans. Pour ce projet, il demanda à ses vingt-et-uns élèves du collège Dora Maar de Saint-Denis, de se filmer, à l’école, entre amis, chez eux. De se raconter. En plus du projet, il décida de placer en haut de la Tour Pleyel, à Saint-Denis, un drapeau réalisé avec les élèves, reprenant le travail de Daniel Buren. Le drapeau est visible de la terrasse la plus haute du Centre Pompidou, à l’aide de jumelles mises à disposition.

L’idée d’observer la Seine-Saint-Denis avec des jumelles depuis le centre Pompidou est symboliquement discutable. La démarche peut paraître maladroite, mais le choix judicieux de laisser les enfants parler d’eux même est louable, et les conversations des collégiens particulièrement intéressantes. Il est rare d’avoir une parole aussi libre et longue dans la création artistique (le documentaire dure deux heures), surtout quand on est mineur. 

En somme, cette dix-neuvième édition réalise sa volonté de représenter un large panel de ce qu’on peut voir aujourd’hui dans l’art contemporain. Néanmoins, cet échantillon permis par ce lauréat, réunit une multitude de supports et de réflexions qui pourront convenir à différentes appréciations de la création artistique !  

 

Visuels : 
– image de présentation : ©Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0), CreativeCommons
– Ida Tursic & Wilfried Mille, aperçu de la salle Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle
– Ida Tursic & Wilfried Mille, Jeanne fille pleurant son canard, 2019, huile sur bois (mur d’atelier), Courtesy of the artists and Almine Rech ©ChloéCoppalle
– Katinka Bock, aperçu de la salle Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle
– Katinka Bock, détail radiateur, la salle Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle
– Marguerite Humeau, aperçu de la salle Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle
– Marguerite Humeau, The Dancer I, a marine mammal invoking higher spirits (détails), 2019, polystyrène, résine de polyurethane, fibre de verre, structure en acier, particules de pollution, salle du Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle
– Marguerite Humeau, The Dancer III et IV, Two marines mammals invoking higher spirits (détails), 2019, polystyrène, résine de polyurethane, fibre de verre, structure en acier, particules de pollution, salle du Prix Marcel Duchamp 2019 ©ChloéCoppalle

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Chloé Coppalle

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