
Le patrimoine numérique de la BnF en passe d’être monnayé
La BnF, bénéficiaire du dépôt légal, s’est lancée depuis plus de dix ans dans la numérisation de ses fonds, tant littéraires que sonores. Ce mouvement s’est accéléré en 2005, avec l’entrée dans la danse de Google et de son projet Google Books. L’information nous a été personnellement transmise par le service de presse du Ministère de la Culture.
La BnF numérise donc, à un rythme soutenu, des ouvrages tombés dans le domaine public, c’est-à-dire dont l’auteur est décédé depuis plus de 70 ans. Ces oeuvres libres de droits (à l’exception du droit moral qui reste inaliénable) peuvent donc être reproduites et diffusées gratuitement. Ces opérations de numérisation et de diffusion sont préconisées par le gouvernement, ainsi que par l’Union Européenne et font partie des missions de la BnF. Cependant, cela coûte très cher d’accomplir ce travail de sélection, numérisation, stockage et édition numérique des oeuvres choisies. Le grand emprunt devait permettre de renflouer le projet mais, visiblement, sans être suffisant. Aussi, selon le communiqué du ministère de la culture du 15 janvier dernier, le service BnF-Partenariats, en accord avec le ministère de la culture, souhaite mettre en place des partenariats avec des sponsors privés, information flairée par ActuaLitté dès juillet. Ce partenariat prendrait la forme d’un mécénat comme cela se fait de plus en plus dans le domaine de la culture… Parmi les nouveaux livres numérisés par ce biais, 3 500 seraient directement versés sur Gallica, les autres ne seraient accessibles qu’aux lecteurs de la BnF pour une durée de 10 ans, avant de se retrouver également sur Gallica. Pour mémoire, Gallica est la plus grande bibliothèque d’ouvrages numérisés de France. Accessible en ligne, elle est entièrement gratuite et vierge de toute publicité. Pis encore, les fonds sonores seront reversés sur des plates-formes de téléchargement en ligne…et probablement payant!
Le but affiché de cette collaboration public/privé est de permettre à la bibliothèque de continuer ses opérations de numérisation. Cependant, la commercialisation de ce type de contenu va à l’encontre de la mission première du programme de numérisation ; à savoir, offrir à tous un accès libre et gratuit à la culture, que ce soit pour des recherches universitaires, professionnelles voire personnelles. La BnF est pourtant engagée dans de nombreux programmes de numérisation à l’échelle internationale dont Européana et la bibliothèque numérique mondiale de l’Unesco aux catalogues desquelles elle verse régulièrement des ouvrages.
La BnF, qui avait en son temps reproché à Google Books de faire fi du respect des droits d’auteurs, risque de tomber dans un autre travers, la commercialisation de la culture fondée sur des fonds publics libres de droits. Aussi, peut-on s’étonner que le ministère cautionne une telle initiative.
Visuel : logo Gallica © BnF
Sources : Communiqué ministériel du 15 janvier 2013 et cours sur la préservation numérique des documents de la BnF dispensés à l’université Paris Ouest Nanterre la Défense.