Kessel enrichit la collection de « La Pléiade »
L’aventurier académicien, entre autres auteur du Lion ou de L’Armée des ombres, entre dans la prestigieuse collection de Gallimard, quarante et un ans après sa mort. Une bonne occasion pour se replonger dans ses romans.
Dit Jef, ou encore parfois surnommé Le Lion, Joseph Kessel, d’origine russe, est né en Argentine en 1898. Son père, Samuel, médecin juif lituanien y a été missionné. Après cette parenthèse sud-américaine, la famille revient en 1905 sur les bords de l’Oural. Elle s’installe ensuite en France, où Samuel y a fait ses études. Le petit Joseph est alors âgé de dix ans.
Quelques années plus tard, la Première Guerre mondiale éclate et le jeune Joseph s’enrôle comme aviateur. Au sein de l’escadrille S.39, il est sous le commandement du Capitaine Thélis Vachon. Ce dernier lui inspire d’ailleurs le personnage du capitaine Gabriel Thélis de son premier grand succès, L’Équipage, publié en 1923. À la fin du conflit, il obtient la médaille militaire et la croix de guerre. En 1922, il est naturalisé français.
Entre temps, en 1921, il se marie avec une jolie roumaine surnommée Sandi (Nadia-Alexandra Polizu-Michsunesti de son vrai nom), elle décédera en 1928.
Kessel devient ensuite grand reporter et de l’Irlande à la mer Rouge en passant par Berlin, il part couvrir de nombreux événements à travers le monde, tout en publiant des romans comme Les Captifs en 1926 ou Belle de jour en 1928. Il fonde aussi en 1928, à Paris, un hebdomadaire politique et littéraire orienté à droite, Gringoire avec Georges Suarez et Horace de Carbuccia. En 1939, il se marie avec Catherine Gangardt (1903-1972) (d’origine lettone et surnommée Katia), le couple divorcera par la suite.
Un an plus tard, Kessel rejoint la Résistance, il s’engage dans les Forces Françaises Libres du général de Gaulle. Avec son neveu Maurice Druon, en mai 1943, il compose les paroles du Chant des Partisans, le chant de ralliement de la Résistance. Cette même année, en hommage aux combattants, il publie L’Armée des ombres. À la fin de la guerre, il est capitaine d’aviation et à nouveau, décoré pour ses faits d’armes. À la Libération, à la fois écrivain et grand reporter, il assiste à la naissance d’Israël, suit le procès de Nuremberg, il roule sa bosse un peu partout : en Europe, Afrique, Asie …
Aventurier et homme de démesure, François Mauriac, résume ainsi le personnage dans son Bloc-notes : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme ».
En 1962, reconnu par ses pairs, Kessel est élu à l’Académie française, au fauteuil 27, après la mort du duc Auguste-Armand de la Force. Durant son discours de réception, il rappelle son origine de juif russe, ainsi qu’il l’avait déjà fait dans Terre de feu (1948), publié au moment de la création d’Israël.
En parallèle de ses activités de journaliste, il travaille également pour le cinéma dès les années 30. Ainsi, il signe par exemple le scénario de Cessez le feu de Jacques de Baroncelli (1934) et participe, avec Denis Cannan, à l’écriture des dialogues de Mayerling de Terence Young (1968).
Près de dix ans après ce film, il meurt d’une rupture d’anévrisme en juillet 1979, alors âgé 81 ans, sa troisième épouse Michèle (une Irlandaise, née O’Brien), le rejoint quelques mois plus tard en décembre 1980
L’œuvre de Kessel est une parfaite illustration du mythe de l’Aventurier, tel que décrit par Malraux : « aux confins du rêve, du réel, de l’errance et de l’histoire ». Ce sont en tout quatre-vingts livres publiés durant l’âge d’or des grands reporters, entre 1922 et 1975. Et parmi cette bibliographie fournie, la prestigieuse collection de Gallimard en a retenu une petite vingtaine, présentée dans deux volumes. Kessel entre ainsi dans « La Pléiade », rejoignant des écrivains illustres et divers tels Balzac, Apollinaire, Hemingway, ou encore Tolstoï.
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