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Genève,  bain de nature et nouveau souffle culturel

Genève, bain de nature et nouveau souffle culturel

21 July 2023 | PAR Sabina Rotbart

 

Musées renouvelés, mise en valeur de la nature,  la cité suisse est en pleine métamorphose.

Dans la vieille ville ©Genève tourisme

 Genève est une ville de taille bien modeste sans rapport avec sa renommée internationale. Pour le visiteur c’est idéal car tout s’avère accessible et agréable d’autant que nature et culture tempèrent l’intense activité économique. Oui, la nature est très présente ici à commencer par ce fameux lac, lieu de baignade favori des habitants. Le meilleur spot est sans conteste l’incontournable bain des Pâquis (pâturage en ancien français, rappelez-vous Genève ne devient suisse qu’en 1815) situé au pied des beaux hôtels historiques qui bordent la rive droite du lac. Banquiers et artistes font cause commune et se retrouvent dès l’aube dans ce lieu  géré par une association de réinsertion à croquer de grandes tartines de confiture bio au petit matin, s’offrir un massage après le travail, un concert et une improvisation en fin de journée ou une délicieuse fondue le soir (bains-des-paquis.ch, 27 FS la fondue). Et puis il y a le Rhône l’autre élément liquide au cours presque légendaire. Un genevois vous racontera surement qu’une goutte de son eau met onze ans à traverser le lac et qu’il existe un lieu très étonnant et très photogénique baptisé la Jonction où il côtoie l’Arve sans s’y mêler. Comme si le grand fleuve puissant qui sort du Léman snobait les eaux boueuses de l’Arve plébéienne, méprisable saute-ruisseau . Cela crée une étonnante onde bicolore !

 

Une cité viticole

 Mais Genève n’est pas seulement une ville d’eau c’est aussi une ville du vin, on est souvent très loin de le réaliser ! Marikke la guide qui mène avec passion une toute nouvelle visite sur ce thème (geneve.com) fait découvrir l’histoire de la vieille cité et de son aspect viticole en quatre étapes et autant de dégustations de chasselas, cépage que les suisses sont les seuls à vinifier. C’est une très amusante façon de marier histoire et gourmandise, à programmer à l’heure de l’apéritif! Au cœur de la vieille ville, on déguste « les Huttins », un  bio très minéral à boire avec la fondue. Détail incroyable pour des Français, ici les treilles sont palissées en hauteur et s’étirent jusqu’à trois mètres car l’impôt ne taxait que les récoltes au sol! Arrivé avec  les Romains et le Rhône le vin  échappe aux règles de Calvin qui interdit pourtant absolument tous les excès, les jeux de cartes, les auberges, la danse et les bijoux …excepté le vin ! Sa maisonnée en consommait d’ailleurs 650 litres par an,  l’eau insalubre à l’époque l’exigeait.

Domaine de la Vigne blanche, canton de Genève

© copyright Genève tourisme

Le vin est tellement apprécié qu’une brasserie annonce sur sa façade « restaurant sans alcool » témoignage de l’époque hygiéniste. Le petit groupe de visiteurs goute devant cette déclaration de guerre à l’alcool  un chasselas complexe et fruité du Domaine de la vigne blanche à Cologny (13FS) avant de déboucher sur la place de Bourg-de-four, l’ancien marché médiéval. Un lieu effervescent où personnel des ambassades et espions en tout genre finissaient leur soirée au célèbre café la Clémence. Rousseau  habitait tout près qui aimait le vin local pour sa simplicité, méprisait les grands crus et osait conseiller aux femmes de ne boire que des laitages!  Dans sa maison natale (m-r-l.ch) qui conte  sa vie genevoise et s’intéresse à la littérature (conférence sur « Rousseau lanceur d’alerte » !) on goûte donc en son  honneur un Gamay d’un rouge très clair très bien élevé en biodynamie. Point final de ce parcours œnologique, l’étonnant banc de la treille qui donne sur le Parc du Bastion d’où l’on surplombe la France. Candolle le grand botaniste a planté ici sous un superbe magnolia 440 cépages. Un vin rouge léger labellisé « Esprit de Genève » qui accompagne bien le très crémeux fromage de l’horloger met un point d’orgue à ce parcours qui mêle hédonico- historique.

Musée international de la Réforme, vue extérieure

©MIR

Un renouveau muséal

L’autre point fort de Genève, c’est la culture. Le musée international de la Réforme (musee-reforme.ch)  un ravissant hôtel particulier XVIIIème situé sur le côté de la cathédrale vient juste de repenser entièrement  circulation et  scénographie. Ce n’est pas un musée religieux mais strictement laïc qui montre l’influence culturelle du protestantisme. Gabriel de Montmollin son directeur dévoile que tout ce qui fait la réputation de Genève, la finance, l’horlogerie, le chocolat ce sont en réalité les protestants français chassés par Louis XIV avec la Révocation de l’Edit de Nantes qui les ont amenés et développés ici. « Le roi imaginait éradiquer ainsi les conflits. Il s’est privé de 200000 personnes souvent des nobles et des militaires » nous explique-t-on. L’endroit s’avère passionnant. Très pédagogique, scandé par des surprises comme ce salon de musique animé par un étonnant vitrail contemporain, il est très éclairant, présentant les caricatures du pape en diable, la différence spatiale entre église catholique et temple et surtout comment la culture du Livre supplante la parole papale. Le caractère central surtout de l’étude du texte sacré. La différence  d’avec le judaïsme ? “Nous sommes plus pragmatiques, moins idéalistes” disait Albert Cohen. On découvre aussi les nombreuses firmes familiales (Peugeot) et les personnalités protestantes (Président Wilson, Ferdinand Buisson, Jacques Ellul et Paul Ricœur)… Des planisphères visualisent où s’exilèrent les protestants chassés de France. Des détails piquants pimentent la visite, comment par exemple les joailliers genevois s’allièrent aux horlogers pour survivre, les montres n’étant pas considérées comme des bijoux. Des tableaux passionnants comme celui de Calvin par Hodler ponctuent la visite. 

 

Calvin et les professeurs dans la cour du collège

de Genève. F. Hodler, MAH de Genève

Le Musée international de la Réforme (MIR) Genève avril 2023. © Nicolas Righetti; Le salon de musique, vitrail.

Tout près du quartier des Bains, haut lieu des galeries d’art et d’artisanat (http://www.quartierdesbains.ch) le Mamco (http://www.mamco.ch )  musée d’art moderne et contemporain (le plus grand de Suisse!) logé dans un bâtiment industriel projette sa rénovation et un grand réaménagement. En attendant il expérimente, ouvrant chaque été un rendez-vous d’expositions volontairement éclectiques. C’est un musée gratuit très démocratique où les vernissages sont une fête et non un rendez-vous mondain. Actuellement on y remarque plus particulièrement l’oeuvre de Lou Masduraud à qui vient d’être attribué le Prix Manor Genève 2023, de grandes fontaines de cuivre dotées de bouches avides, dentées, qu’on pourrait imaginer  castratrices ou simplement exigeantes. Cette artiste  a beaucoup travaillé sur le contraste sphère privée/sphère publique et utilise  les  équipements urbains, fontaines, réverbères, soupiraux comme vocabulaire les extrayant de leur contexte habituel comme autant d’hétérotopies.  Elle a travaillé sur les fontaines crées par Mussolini les dotant de bouchons qui les neutralisent mais aussi à la Maison populaire de Montreuil  réalisant avec les habitants un atelier de céramique où ils pouvaient réinventer l’espace public et les bâtiments officiels. Des soupiraux y ouvraient  des plans d’évasion imaginaires. Plus loin hommage est rendu à Chantal Montellier dessinatrice de BD à la production injustement méconnue (Charlie mensuel), des dessins de Jim Shaw sur la classe moyenne américaine des années soixante et puis on tombe sur un des derniers achats du Mamco que l’on ne s’attendrait vraiment pas trouver là, les schémas du psychanalyste Jacques Lacan rassemblés par le mathématicien Jean-Michel Vappereau. Lequel  faisait partie de son entourage et a gardé ces créations autour du fameux noeud boroméen et du rapport entre réel, imaginaire et symbolique qui sont au centre de la théorisation lacanienne. Proche des surréalistes, Lacan a en retour influencé beaucoup d’artistes d’où sa présence au sein du musée. A noter, l’été le musée est ouvert du jeudi au dimanche inclus. Et l’on peut diner au musée (sur réservation)

 

©Paul Hegi. Vernissage au Mamco

Pour en savoir plus : Geneve.com

Où loger : L’Ibis Genève centre lac est pratique car il réussit la quadrature d’être à la fois tout près de la gare  et à deux pas du lac,  une situation idéale pour visiter. D’autant qu’il est confortable, son ambiance est jeune et joyeuse  et le personnel aux petits soins.  C’est donc le bon plan pour un prix imbattable.130 euros http://www.all.accor.com

Si vous pouvez vous offrir un hôtel de charme, l’hôtel Rotary Genève MGallery collection apparaît comme un  bon choix. 310 euros. 

Où dîner : Au Flacon à Carouge (leflacon.ch), un jeune étoilé Michelin qui promet. Des poissons à l’abricot sublimés, de très jolis variations sur le poireau en entrée. Des desserts réconfortants et un service alerte. Pour découvrir aussi cette banlieue accessible en transports en commun investie autrefois par la communauté italienne et haut lieu de sorties. 

Où prendre des salades et petits repas :  dans les parcs, de charmants lieux de restauration sont ouverts, le Cottage au Jardin des alpes où l’on peut même rafraichir ses gambettes dans la fontaine ( mais pas se baigner!) et au Jardin anglais, la Potinière qui sert d’agréable brunchs. 

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Sabina Rotbart
journaliste en tourisme culturel, gastronomie et oenotourisme. [email protected]

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