
Cannes 2023, Compétition : plaisante et plutôt goûteuse Passion de Dodin Bouffant
Sans afficher de génie, ce film sur la grande cuisine au début du XXe siècle en France n’en reste pas moins bien agréable et ludique.
La France rurale du début du XXe siècle. Au sein de la demeure du riche Dodin Bouffant, tout se passe en fonction de l’art de la cuisine et du fait de la consommer dans les formes. Entouré d’un petit cercle d’hommes amateurs de ces mets, le gastronome désormais renommé mange et imagine de nouvelles créations sans arrêt. Aux cuisines, il retrouve Eugénie, cuisinière géniale, qu’il aime. Elle lui rend ses sentiments, tout en ne souhaitant pas être mariée à lui.
Le protagoniste central de cette histoire n’a pas vraiment existé. Ce long-métrage est adapté du livre de Marcel Rouff, La Vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet, réputé pour avoir pris appui, pour sa figure principale imaginaire, sur plusieurs personnalités du monde de la cuisine connues alors.
Quoi qu’il en soit, le film tente de plonger ses spectateurs en plein début XXe siècle. On peut clairement affirmer que c’est là l’une de ses qualités. Sa mise en scène – conduite par Tran Anh Hung – reste assez impersonnelle et sans génie. Mais l’absence de musique et le travail sur le rythme, étiré, apparaissent comme des atouts : combinés à une esthétisation pas envahissante, ils conduisent à un bon effet.
C’est que le film a également l’intelligence, pour recréer ce temps et cet art culinaire, de ne se concentrer que sur la temporalité liée à ce dernier. Et pas sur des péripéties qui seraient superflues. D’une part, les phases de conception des plats sont montrées en détails. D’autre part, les actions, décisions et dialogues des protagonistes à l’écran demeurent quelque peu pendus aux questions liées au fait de manger cette grande cuisine. Cette manière de consommer en conscience reste l’un des éléments bien mis au centre du long-métrage, de manière plus intelligente que dans Club Zero, et ce en fonction d’une mise en scène pourtant plus effacée.
En résulte une sensation vraiment plaisante et enveloppante : celle de nager dans cette peinture d’un temps ancien en volant de détail en détail sans difficulté. Avec tout le temps laissé à ces éléments pour exister, et être appréciés et questionnés aussi. On peut juger que le film semble ne pas toujours toucher juste lorsqu’il reproduit les détails de ce passé, mais le plus souvent, ce qu’il donne à sentir est étudié et précieux.
En somme, on goûte réellement cette reconstitution pas fade. Avec pour guides de grands Benoît Magimel et Juliette Binoche, ainsi que quelques autres interprètes qu’on est heureux de retrouver, tels Frédéric Fisbach et sa présence douce et puissante ou Patrick d’Assumçao, tout en force et en intelligence de jeu. On tente de les suivre dans leur quête de la saveur des ortolans, des sauces, pièces de viande, légumes de choix ou autres repas de huit heures.
La Passion de Dodin Bouffant sortira dans les salles de cinéma françaises le 8 novembre.
Le Festival de Cannes continue jusqu’au 27 mai.
Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2023
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Visuel : © Carole Bethuel – 2023 CURIOSA FILMS – GAUMONT – FRANCE 2 CINÉMA