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Thésée par les Talens lyriques : redécouvrir l’opéra de Lully

Thésée par les Talens lyriques : redécouvrir l’opéra de Lully

27 March 2023 | PAR Orane Auriau

Au Théâtre des Champs-Elysées, Les Talens lyriques ont pu finir en apothéose en ce fin mars avec leur réhabilitation de la tragédie lyrique du compositeur italien, après s’être produits le 1er mars au Theater der Wien et le 12 mars au Bozar de Bruxelles.

Un répertoire baroque

Spécialisé dans le répertoire baroque, l’ensemble a été mis sur pied il y a plus de trente ans par un passionné du genre musical, Christophe Rousset- qui a notamment revisité Rameau et Haendel. Chef d’orchestre, mais tantôt second claveciniste pour Thésée, il dirige le ténor Mathias Vidal dans le rôle éponyme – ainsi que Karine Deshayes (Médée), Marie Lys (Cléone) et une princesse Aeglé campée par la mezzo-soprano Déborah Cachet. Dans une interprétation sobre, sans mise en scène extravagante, les voix principales, accompagnées du chœur de chambre de Namur, ont remis au goût du jour la tragédie lyrique écrit par le librettiste Quinault. 

Un symbole de pouvoir

Composé en 1675 à Saint-Germain-en-Laye, Thésée connut un franc succès à la cour de Louis XIV. Il sera joué pendant un siècle à l’Académie royale de musique, avant de peu à peu sombrer dans l’oubli. L’ensemble redépoussière ainsi cette tragédie issue de la mythologie grecque, donnant lieu à un long spectacle de près de trois heures pour cinq actes. On ne rentre pas d’emblée dans la narration, car le prologue fait les louanges au pouvoir d’alors, en pleine guerre contre les Provinces Unies. Car Thésée, héros guerrier, est une figure censée évoquer Louis XIV. Lully, nommé surintendant de la musique du Roi, le glorifie à travers ses compositions. Récité plus que théâtralisé, c’est le chanté qui fait office d’émotions, voire de tragi-comédie, même s’il y a toute une dramaturgie dans les vers. 

Une tragédie lyrique

La tragédie délivrée par les lyristes prend vie grâce à l’orchestre qui fait office de peinture, une toile de fond de laquelle se détachent les trompettes, mais surtout les deux clavecins. Le Roi soleil, ou plutôt Thésée, est auréolé de gloire. Le prologue en appelle aux allégories, à Vénus et au dieu de la guerre, Mars, pour regretter le départ Louis XIV parti mener ses trompes au combat. Un brin pompeux parfois, mais témoin intéressant d’une certaine société ou époque et musicalement harmonieux. Tout cela nous évoque la cour de Versailles, ce qui est d’autant plus aisé de se rappeler en assistant à un spectacle voisin à un symbole du pouvoir contemporain, les Champs-Elysées. 

L’histoire débute ainsi au premier acte, mais c’est au second que Thésée apparaît. Les figures de la tragédie grecque à la Cour du roi Egée se relaient sur scène, dépeignant des drames amoureux sur fond de la guerre qu’affronte Thésée à Athènes. Mais le véritable personnage de premier plan est la vicieuse et stratège magicienne Médée, connue pour sa cruauté et brillamment interprété par Karine Deshayes. L’arc narratif tient à ce qu’elle se dispute l’amour de Thésée avec une Aeglé sensible. Sa rivale mettra son intelligence redoutable à l’élaboration d’un plan visant à séparer les deux amants, prêts à se sacrifier pour l’autre. Entre une bonne technicité et des maîtrises pointues du chant, il faut prêter attention aux nuances entre les différents personnages. Aux motifs de la guerre victorieuse ou à la fureur de Médée, la musique se fait plus impressionnante avec la trompette, les timbales, parfois le chœur qui déchaîne les passions. Sur ceux des confidences de l’amour, on peut en venir à des airs plus intimistes avec les clavecins et les solistes.

Là où la postérité a plus gardé en mémoire le Bourgeois gentilhomme avec sa Marche pour la cérémonie des Turcs, Armide mais encore Atys, il était important de donner une nouvelle vie à cet opéra. 

 

Avec : Les Talens Lyriques, ensemble
Chœur de Chambre de Namur, chœur

Christophe Rousset, direction
Mathias Vidal, Thésée (ténor)
Karine Deshayes, Médée (mezzo-soprano)
Deborah Cachet, Æglé (soprano)
Marie Lys, Cleone, Cérès (soprano)
Bénédicte Tauran, Minerve/La Grande Prêtresse de Minerve (soprano)
Thaïs Raï, Dorine, Vénus, une bergère (soprano)
Robert Getchell, Bacchus (ténor)
Fabien Hyon, Un plaisir, un vieillard, un combattant (ténor)
Philippe Estèphe, Egée (baryton)
Guilhem Worms, Arcas, Mars, Un Plaisir (baryton-basse)
Thibaut Lenaerts, chef de chœur

 

Christophe Rousset. © Eric Larrayadieu

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Orane Auriau

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