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[Festival d’Autrans] Au sommet? L’amour, tout simplement
Informations pratiques : du 3 au 7 décembre 2014
www.festival-autrans.com
Inaccessible, glaciale, majestueuse, la montagne nous domine et nous ignore ? Sans doute, et cela suscite, précisément, un amour fou, absolu. Pour cette 31e édition, le Festival du film de montagne d’Autrans fait peau neuve, avec une superbe salle et une sélection de haute qualité.
Aimer la montagne, c’est aimer ce qui nous résiste, une beauté à l’état pur, presque irréelle. Aimer le risque, aussi, la mort imminente comme expérience quotidienne. En choisissant le thème « L’amour au sommet », le Festival d’Autrans a réussi un beau pari : montrer à quel point l’amour, de la montagne et de l’autre, est à la fois complexe et merveilleusement simple. Attirance inexplicable, dépassement des peurs, désir de liberté voire de solitude, tous ces choix se conjuguent différemment. Sur l’affiche du Festival, une femme, emmitouflée, presque asexuée, enjambe un cœur de pierre gelé, avec une sorte d’euphorie. Un paradoxe ? Sans doute. Et aimer la montagne révèle souvent bien des fêlures secrètes !
Pour cette 31e édition, la jolie directrice du Festival, Anne Farrer, rayonne d’un amour évident, juste après la naissance de sa petite Céleste. Céleste, comme le ciel, les hauteurs que l’on vise. Dans Alexandre, fils de berger, de Véronique, Anne et Erik Lapied (Prix du Public et Prix Ushuaia), le jeune garçon lance « Quand je regarde le ciel, j’ai l’impression que je suis aspiré. Mon corps reste en bas, mais je pars dans le ciel. » C’est pour cette expérience unique, hors de soi mais si intense, que l’on part en montagne. Primé par le jury et par le public, Alexandre, fils de berger traite d’amour filial et de transmission. Dans le burlesque et sympathique China Jam de Evrard Wendenbaum (Mention spéciale du jury et Prix de l’Alpinisme), le belge Sean Villanueva O’Driscoll hurle soudain à la caméra : « On vient chercher tout là haut, ce qu’il y a ici (dans le cœur !). Mais, en fait, vous pouvez très bien le trouver tranquillement chez vous, au chaud, dans votre fauteuil ! » ajoutant malicieusement « Seulement, c’est plus facile de le trouver là-haut ! ». Plus facile, car dans l’effort en altitude, tout est décuplé, sublimé, exacerbé. Et puis, bien sûr, c’est un amour à sens unique, avec une bonne part de masochisme. Dans l’expédition de China Jam (qui devait initialement avoir lieu au Pakistan, et qui s’est déplacée en Chine suite à une attaque terroriste au Pakistan), l’alpiniste Stéphane Hanssens n’a-t-il pas failli perdre un pied ? Le poignant Sati de Bartlomiej Swiderski (Prix du Jury) nous offre le témoignage d’une veuve d’alpiniste, à peine quelques mois après le drame : éperdue, la jeune femme confie qu’elle s’est toujours sentie seule et abandonnée par son mari, éternel absent, plus attiré par les sommets que par la vie de famille. Un amour réel, mais par intermittence, avec ses zones d’ombre. Ceux qui aiment la montagne aiment avant tout la liberté.
C’est le choix, revendiqué et flamboyant, des beatniks partis à l’assaut du Yosemite californien (Valley Uprising de Nick Rosen, Mention spéciale, et bien méritée !) : avoir pour seul but l’inaccessible et l’absurde, loin, très loin de la société et de ses normes. Avec les ambivalences engendrées par la soudaine médiatisation et les pièges du narcissisme : le film montre comment un mode de vie vagabond et insouciant peut glisser vers des tentations plus troubles. Mais des figures légendaires comme Royal Robbins, John Bachar ou Dean Potter, puristes de la grimple, continuent de nous faire rêver. Conquistadors de l’inutile, ces hommes défient le temps et toute forme d’autorité. Attitude arrogante et précieuse.
Plus humblement, certains documentaires nous parlent d’amour et de partage, de solidarité : un même réalisateur, Yoann Périé, présentait deux films, l’un sur la quête de la chouette chevêchette (Discrète Chevêchette), minuscule chouette-moineau de 16 cm, et l’autre (Les Sommets de la Dignité, Prix du Jury des Syndicat National des Guides de Montagne) sur d’autres êtres fragiles et discrets, les clochards sans abris. L’association Pain et eau fait le beau pari d’emmener ces hommes et femmes tombés très bas tout en haut, à ski, en raquettes, pour sentir, de nouveau, leur corps et leur esprit s’élever. Une idée juste et utile de la dépression. Autre film très remarqué, Minerita de Raul de la Fuente (Prix Vie des Hommes), nous livre le quotidien terrifiant des femmes dans les mines boliviennes. Le Prix de l’INA pour une première réalisation a récompensé le film suisse Base Camp Circus de Matthieu Heiniger.
Cette année, le Festival a créé un Prix du film d’animation (Lauréat, l’adorable Flocon de neige de Natalia Chernysheva). Et le Grand Prix a été décerné à Laetitia Chalandon pour René Vernadet, l’œil qui précédait l’exploit, bel hommage à un octogénaire qui porte encore sur la vie un regard émerveillé d’enfant.
visuels: affiche officielle du Festival. Photos ©Olivia Leboyer