
Très bonne Explication des oiseaux d’Antunes à la Fabrik’
Dans le off du Festival d’Avignon, la Compagnie des ouvriers présente à la Fabrik’ Théâtre « Explication des oiseaux », un beau texte, grave, désespérant, adapté du roman d’Antonio Lobo Antunes par Thierry Alcaraz. Un aller-retour entre la vie d’adulte et l’enfance irrésolue où un homme peine à vivre sa vie sans parvenir à s’affranchir du passé.
La scénographie se dévoile sous des lumières grises, crépusculaires et étouffantes, telle qu’apparaît l’existence de Ruiz, le protagoniste de la pièce. Seul le souvenir du vol des oiseaux raconté par son père allège sa lourde vie. La scène est chargée des souvenirs qui le hantent grâce à la projection vidéo d’un large ciel où les mouettes volent au-dessus de la mer et les sonorités indistinctes de la bande-son. La mémoire se fait pesante.
Au centre un lit, celui de la mère qui réprimande son petit garçon parce qu’il est allé jouer sur la plage alors que ça lui était interdit. Ce désir de liberté et d’ailleurs, on le retrouve intact quand, quelques années plus tard passées en une courte ellipse, la mère fait à nouveaux face à son fils qui cette fois a grandi, a vécu, est devenu un homme mûr. Elle est mourante. Il ne sait pas lui dire qu’il l’aime, il ne sait pas aimer. C’est pareil avec son père contre qui il a des griefs, pareil avec les femmes de sa vie face à qui il n’a pas été à la hauteur.
Qu’est-ce qui le rend si seul et incompris ? C’est un mystère que ne dévoile pas la pièce même si elle donne quelques pistes éclairantes. Ruiz se sent étranger à sa famille, n’a pas su correspondre aux attentes de ses parents. Ses peurs, sa tristesse l’habitent et ne le quittent pas mais elles lui sont indicibles. Il doit se libérer de ce passé indigeste. C’est ce qu’il cherche peut-être dans ses relations sentimentales intenses et débridées. Mais la succession d’échecs le pousse au suicide.
Le texte est dur mais se trouve porté à la scène avec une densité qui n’est pas plombante. Il y a de l’émotion dans l’interprétation subtile qu’en font les acteurs qui adoptent un jeu jamais démonstratif mais plutôt cinématographique. La mise en scène, en concordance avec un texte qui se présente déjà comme assez cru, pénètre sans détour dans l’intimité des personnages suggérée par les éléments sanitaires du décor et affiche la nudité et la sexualité des personnages. Au début, un homme prend une douche. De même la mutilation finale de l’anti-héros dont le visage coule le sang est représentée sans atténuation. Les fréquentes interventions à l’intérêt modéré d’un annonceur bonimenteur rompent le fil dramatique et c’est dommage, sinon l’histoire nous parvient bien et touche.