
Le blues du conférencier de Christophe Pellet
Un auteur doit donner une conférence. Ça n’a l’air de rien et pourtant, dans La conférence, texte brillant écrit par Christophe Pellet et très bien mis en scène par Mathieu Roy, est posée la question de la souffrance au travail et du basculement dans la folie. Brillant.
“Lorsque que je regarde quelqu’un, le regarde vraiment, de tout mon être, de tout son être, est-ce que cela dérange, ne devrais-je pas faire disparaitre mon regard ?”. Dans une scénographie obsédante qui impose l’angoisse d’une longue table entourée de chaises, vides, Philippe Canales devient Thomas Blanguernon. Il surgit dans un coin du plateau seulement éclairé par une loupiote. Il parle comme un fou, saccadé, mettant un accent aigu sur certains mots comme “La France”, “Le territoire», «Théâtre”. Il doit donner une conférence dans un Centre Dramatique National en province. Il avait fui ce monde où les têtes ne changent pas pour Berlin jusqu’au jour où “Marie-Jo” lui commande ce cours auquel elle ne se donnera même pas la peine de venir.
Il est seul en scène, nous parle où plutôt se parle dans une ambiance de plus en plus stressante où la lumière dessine sa sueur et où la musique est un fond permanent, glacé. C’est d’abord beau, extrêmement esthétisant dans un langage propre au théâtre contemporain, ensuite c’est étonnant de voir cet homme seul sombrer dans la folie au point de tout abandonner.
C’est donc bien la question de la souffrance au travail qui est ici abordée plus qu’une critique de la politique culturelle de la France qui adoube compagnies et lieux, le CDN en question est subventionné, il peut exister, relativement. Etonnamment, son fonctionnement devient celui d’une entreprise comme les autres, le comédien parle de “collaboration”, “d’humiliation”, de “vexations”. Le vocabulaire du plateau se retrouve ailleurs, les politiques “jouent un rôle” par exemple.
Lui ne supporte pas de revenir dans ce lieu où il se sent dégradé : “plus on est proche de l’esprit, plus on est précarisé”. Dans ce monde où “tout doit disparaitre”, il lui semble que lui aussi.
Tout concorde dans cette courte pièce pour une montée en tension optimale. Le sujet dérange avec justesse, il n’est pas très agréable pour la communauté théâtrale avignonnaise d’entendre en son sein qu’elle se comporte comme la pire des multinationale.
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