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Screen dance : une discipline à découvrir d’urgence

19 January 2010 | PAR Soline Pillet

Video dance, dance for camera, screen dance, cinedance, autant de termes pour désigner une discipline à dominante anglo-saxonne encore mal connue chez nous. Voici donc une leçon de rattrapage qui vous permettra de découvrir cet art au potentiel créatif infini, et aux perles visuelles cultes pour les véritables amateurs. « Screen dance pour les Nuls » : c’est parti.

Mais qu’est-ce donc que cette chose aux multiples appellations barbares, qu’on a vaguement l’impression de connaître mais répond pourtant à une définition bien précise ? La screen dance – pas de terme français à ce jour – est bien plus que de petits danseurs qui bougeraient à l’écran : c’est une discipline à part entière, ayant même ses festivals internationaux : à Brighton, l’un de ses fiefs, Saint-Pétersbourg, Buenos Aires, Gand… La screen dance est à ne confondre sous aucun prétexte avec la simple captation vidéo d’une performance live, le clip, ou la vidéo artistique. Il s’agit d’une chorégraphie ou d’une séquence de mouvement conçue spécialement pour l’écran : les possibilités de la caméra – gros plans, angles, cadrages – ainsi que celles du montage – manipulation du temps, effets spéciaux, bruitages – sont utilisées à des fins narratives. Les lieux du tournage sont choisis avec soin : la vidéo offre d’infinies options de décors naturels ou architecturaux la distinguant définitivement du traditionnel spectacle de danse. Souvent entièrement dépourvue de dialogues, d’une durée de quelques minutes à une heure, la screen dance a pour seul contrainte l’utilisation du corps et de la gestuelle comme langage. Il en résulte de petits bijoux d’une imagination et d’une liberté sans limites balayant tous les registres : esthétique pure, humour, anecdote, abstraction, surréalisme…


Si la screen dance en tant que discipline ainsi désignée date de l’ère numérique, et n’est donc qu’adolescente, ses prémices remontent aux débuts du siècle. Le cinéma muet est le parent biologique de la screen dance, puisque des acteurs comme Charlie Chaplin, Buster Keaton, ou Laurel & Hardy misaient sur une gestuelle hyper précise, des effets visuels travaillés et des gags chorégraphiés comme base de leur narration. Aujourd’hui encore, certains parallèles sont frappants : le film “Car-Men” chorégraphié par le génialissime Jiri Kylian en 2006 évoque l’absurde désuet de Jacques Tati.

Dans les années 40, la cinéaste russo-américaine Maya Deren, proche des surréalistes, réalise “A study in choreography for camera” et d’autres courts-métrages expérimentaux, basés sur l’expression corporelle. En 1943 elle collabore avec Marcel Duchamp sur un film demeuré inachevé, “The Witch’s cradle”. Puis les années 60 verront l’éclosion de l’innénarable Merce Cunningham, qui repousse sur scène comme à l’écran les limites de la danse avec la collaboration du vidéaste Nam June Paik. Alwin Nikolais ainsi que la touche-à-tout Meredith Monk, danseuse, musicienne et vidéaste, apporteront leur pierre à l’édifice : avec les années 80 et l’avènement du clip et de la vidéo, le champ s’ouvre à des chorégraphes ou cinéastes de tous horizons prêts à fouler l’immense terrain de jeu qu’offre la screen dance.

Une des artistes les plus abouties de la screen dance est la diva anglaise Liz Aggiss. Basée à Brighton, elle a créé à l’Université du même nom le département « danse et arts visuels » afin de former les foules à cette discipline. Ayant commencé la danse à 28 ans, elle trouve son créneau en chorégraphiant pour la caméra des mises en scène à son image : folles et ultra sophistiquées. Commanditée par la prestigieuse BBC, et récompensée à maintes reprises lors des festivals internationaux, c’est elle qui marquera l’institution de la discipline et lui donnera ses lettres de noblesse en Grande-Bretagne, où le terrain est désormais fertile et la relève, assurée. L’autre figure de proue de la discipline en Angleterre est Lloyd Newson, directeur de la compagnie de physical theatre DV8, ayant quatre films de danse à son actif, dans la plupart des cas réalisés spécialement pour la caméra à partir de chorégraphies créées pour la scène.

Nombreux sont les chorégraphes à suivre ce procédé : le suédois Mats Ek, que l’on ne présente plus, a réalisé en studio une version spécialement pour l’écran de ses classiques « La Belle au bois dormant », « Le Lac des cygnes », ou « La Maison de Bernarda Alba ». Il collabore également avec Sylvie Guillem dans le film « Smoke » en 1995. Le québécois Edouard Lock, chorégraphe de la compagnie La la la Human Steps, réalise en 2003 l’un des chefs-d’œuvre absolus de la screen dance en portant à l’écran son spectacle «Amélia » dont il conserve la chorégraphie dans le moindre détail tout en la déménageant dans un immense plancher cubique, sculptant les corps avec des jeux de lumières dignes d’une leçon de cinéma, et agrémentant la danse d’effets spéciaux évoquant presque « Matrix » !

Si la France est plus modeste en ce domaine, elle compte néanmoins ses adeptes du screen dance, dont nos chorégraphes nationaux Philippe Découflé et Angelin Preljocaj. Le premier a entre autres réalisé « Le P’tit bal » en 1993, screen dance humoristique reprise pour le générique de l’émission des « Mots de minuit », mêlant jeux de mots et langue des signes.

Preljocaj a réalisé « Pavillon Noir » en 2006, tourné au sein des insolites locaux de sa compagnie, jeu entre la chorégraphie, l’architecture du bâtiment, l’espace urbain et le paysage. Enfin, mentionnons pour l’honneur national le cinéaste et publiciste Pascal Baes, qui a fait de sa marque de fabrique la technique de la pixilation associée à la danse : Baes utilise le « stop-motion », filmant plan par plan comme pour un film d’animation. Ses films « Topic » I et II, tournés dans les rues de Prague, ainsi que « 46 bis », daté de 1988, sont de pures merveilles.

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Soline Pillet
A 18 ans, Soline part étudier la danse contemporaine au Québec puis complétera sa formation par les arts visuels à l’Université de Brighton. Au cours de son apprentissage, elle participe à des projets éclectiques en tant que danseuse. Également passionnée par l’écriture, elle rejoint les bancs de la fac en 2007 afin d’étudier la médiation culturelle à la Sorbonne Nouvelle. C’est par ce biais qu’elle s’ouvre au théâtre, au journalisme, et à toutes les formes d’art. Aujourd’hui, Soline rédige un mémoire sur la réception critique de la danse contemporaine tout en poursuivant sa passion pour la danse et l’écriture. Après avoir fait ses premiers pas de critique d’art pour le site Evene, elle rejoint l’équipe de la Boîte à Sorties en septembre 2009.

One thought on “Screen dance : une discipline à découvrir d’urgence”

Commentaire(s)

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    J’aime les clowns du bord de mer!
    merci pour cette découverte, je ne savais pas que ces videos , vues à Beaubourg parfoit, faisait partie d’un mouvement.

    January 20, 2010 at 22 h 27 min

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