Théâtre
[Avignon Off] « Lilith » : puissante promenade rock en paradis noir

[Avignon Off] « Lilith » : puissante promenade rock en paradis noir

17 July 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

Texte en fragments, ensorcelant, soutenu par une musique sombre jouée en direct… Comédienne qui voyage de l’intensité à la malice… Cadre réduit, parfait… Lilith prend aux tripes. Et donne à voir celles de la première femme de l’humanité. Courez recevoir sa si douce et vénéneuse lumière. Et, à l’occasion, faire un peu de politique…

[rating=5]

LilithDieu créa Lilith en même temps qu’Adam. A partir de la même matière. Mais Lilith ne voulut pas suivre la loi de son conjoint. Elle quitta donc le jardin. Ce soir, elle est là pour nous. Elle veut se souvenir d’Adam. Pourquoi pas lui parler, s’il descend… Religieux. Sexuel. Frontal. Romantique noir. Rock. Moderne. Le texte d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre est un peu tout cela à la fois. Il est surtout incisif : nul besoin de scènes ou de situations claires. C’est par les mots qu’il attaque le mystère de cette toute première femme. Des mots qui tournent, tournent, tournent, et qui finissent par composer un enivrant cylindre aux reflets changeants. Enumérations, listes touchant aux parties du corps, aux femmes fatales, aux Saintes Ecritures… Emballements : l’évocation d’une liaison dévorante avec le fils du Diable, dans la Géhenne… Pauses : la description de la prime existence au sein du jardin… On aime ces ruptures. Ces sillons dans la roche.

En face de nous, Julie Recoing, debout à son micro, épouse les courbes des phrases. Elle y verse la chair qu’il faut. Elle plaide, naturelle, lorsqu’il s’agit de clarifier certains faits de « l’affaire ». Elle chante lorsqu’elle se décrit. Elle se fait souriante et calme lorsqu’elle se rappelle Adam. Intense, lorsqu’elle effectue le pas fatal. Furieuse, pour ses années en Enfer. Et puis, dans la lumière sombre qui la voit rester seule, très sincère. Lucide devant son caractère. Son refus de se soumettre. Pas de doute : elle entraîne à sa suite.

Au passage, elle nous aura fait réfléchir. On ne déflorera pas le suspense en vous disant tout de la fameuse « querelle ». Sachez qu’en ce point, le texte pose une question, qui s’insère bien dans notre époque. Cependant, nul didactisme : le spectacle préfère l’incantatoire. Obtenu grâce à une musique subtile, grave mais sans trop d’effets. Jouée en direct (ouf !) par Etienne Baret et Geoffrey Palisse, beaux anges noirs en costards. La chapelle Sainte-Claire, exigüe, fait sonner ce son et ces mots… Oui, Lilith prend. Vous, prenez-la contre vous : elle veut qu’on l’aime. Pour une petite heure, acceptez sa loi, et le plaisir, vous l’aurez. Loin de vos conceptions, peut-être…

Retrouvez le dossier Festival d’Avignon 2014 de la rédaction

Visuel : © Nicolas Dalbart et © Julie Recoing

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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