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[Quinzaine] « Les chansons que mes frères m’ont apprises » : un premier film poétique et fort sur l’attachement à ses racines

[Quinzaine] « Les chansons que mes frères m’ont apprises » : un premier film poétique et fort sur l’attachement à ses racines

20 May 2015 | PAR Amelie Eleouet

Chloé Zhao, réalisatrice chinoise (interview par ici ) était à Cannes hier avec ses acteurs principaux et son directeur photo pour présenter son premier long, produit par l’acteur Forest Whitaker et déjà primé à Sundance en début d’année. Une chronique du quotidien parfois sombre d’un frère et d’une sœur au sein de la réserve indienne de Pine Ridge, en pleine nature sauvage dans le Dakota du Sud.

[rating=4]

Des acteurs lumineux

C’est un regard tout particulier que pose la réalisatrice sur la réserve de Pine Ridge.
Au-delà des clichés habituels, elle met en lumière l’attachement profond des indiens à leurs racines, à leur terre et leurs croyances, malgré les problèmes d’alcoolisme et de chômage qui gangrènent la communauté depuis des décennies, menant parfois à la prison. Un sujet abordé sans voyeurisme aucun dans le film mais plutôt sur la base d’un triste constat. L’alcool pourtant interdit au sein de la réserve circulant sous le manteau et permettant de noyer les souvenirs ou d’anesthésier un quotidien trop douloureux pour certains.

Dans ce décor parfois chaotique, ses personnages principaux rayonnent. Acteurs non professionnels mais vrais habitants de la réserve de Pine Ridge, John (John Reddy) qui vient de terminer ses études, et sa petite sœur de 11 ans Jashaun (Jashaun St John) ont le même amour pour leur communauté mais des préoccupations un peu différentes.

John nourrit l’envie de partir pour Los Angeles avec sa petite amie tandis que Jashaun s’épanouit au sein de la réserve. Car tous deux ont une vision opposée du quotidien, Jashaun portant un regard d’enfant émerveillé sur sa communauté et ses habitants quand John aspire déjà à autre chose, puisque désormais confronté aux problèmes de l’âge adulte et aux dangers et rivalités inhérents à la communauté.

La nature, un rôle à part entière

Et le troisième personnage du film, c’est la nature elle-même. Les plaines à perte de vue et les Badlands du Dakota du Sud offrent de vrais moments de respiration au spectateur et aux personnages qui choisissent de s’y perdre dans leurs moments de doute. On comprend mieux les mots de la réalisatrice qui avoue elle-même être amoureuse du grand Ouest Américain et de ses paysages à la vision du film.

Le travail de cinématographie est assez remarquable, le choix de plans serrés renforçant la proximité avec les personnages et leur vision des choses. Il y’a quelque chose de Terrence Malick dans la façon de filmer de Chloé Zhao.
C’est une oeuvre qui brille par sa poésie et ce mélange de douceur mais aussi de violence dans son propos.

Un message pour la jeune génération

Chloé Zhao s’attache à démontrer (cf notre interview à venir) l’importance des racines, de l’appartenance dans la vie de tout un chacun. Née à Pékin qu’elle a quitté à 14 ans, elle dit elle-même ne pas éprouver ce sentiment, ne pas arriver à s’ancrer quelque part. Sentiment très fort au sein de la communauté de Pine Ridge, qu’elle a passé beaucoup de temps à observer. Mais qui ne suffit pas toujours à soulager le poids des consciences et à assurer l’avenir.

Savoir d’où l’on vient pour tenter de ne pas se perdre en chemin, telle serait la leçon de ce très beau premier film.


Retrouvez tous nos articles sur le 68ème festival de Cannes dans notre dossier Cannes 2015.

Visuels : (c) DR

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