
Les toiles de Van Gogh menacées jusque dans les musées
“Si j’avais su” doivent se dire de nombreux spectres de peintres du XIXe siècle. Avec l’avènement de la chimie appliquée aux colorants et la mise en tube de la peinture, c’est bien une révolution pour les peintres qui est en marche. Ils ne sont plus obligés de préparer eux mêmes leurs colorants en suivant d’ésotériques recettes ancestrales et peuvent aller gambader dans la campagne pour peindre sur le vif. Il est également devenu plus facile de mélanger les couleurs à sa guise pour obtenir toutes les nuances imaginables.
Hélas, trois fois hélas, il y avait une ombre au tableau (si l’on peut s’exprimer ainsi). Ces nouveaux pigments ne sont pas aussi stables que les anciens. Ils réagissent non seulement les uns avec les autres mais également à la lumière…
Ainsi, nombres d’oeuvres de cette époque subissent des modifications chromatiques plus ou moins irrémédiables. Pour certaines, le processus ne peut être arrêté ni même vraiment ralenti. Pour d’autres, il existe des mesures plus ou moins complexe et coûteuses.
Van Gogh fait partie des artistes concernés et quand on connaît la valeur tant artistique que matérielle de ses toiles on comprend que les institutions en détenant mettent tout en oeuvre pour protéger ces toiles. En effet, les jaunes, très présents dans ses peintures, sont particulièrement sensibles à la lumière, autant celles contenant des UV qu’aux ampoules LED de plus en plus présentes dans les musées. Ils se ternissent puis tournent au marron.
Cette tendance a été découverte il y a déjà quelques temps. En 1959 déjà Xavier de Langlais dans son ouvrage intitulé La Technique de la peinture à l’huile (chez Flammarion) déconseillait fortement l’utilisation de pigments contenant du chromate de plomb. Si l’effet était connu, la cause en demeurait mystérieuse. A partir de 2011, le voile s’est enfin levé, grâce aux travaux d’une équipe de chercheurs européens réunis autour de la jeune chimiste Letizia Monico dans le cadre de sa thèse et dirigée par le professeur Koen Janssens, de l’université d’Anvers. En 2011 donc, ils mettent en évidence que les jaunes les plus clairs brunissent plus rapidement au contraire du jaune dit “moyen” qui est plus stable. Ce sont donc bien les pigments qui sont en cause. Les musée ont alors commencé à équiper leurs toiles de vitres anti-UV.
Hélas (bis repetita), les nouvelles ampoules basse consommation à LED sont également dangereuses et accélèrent le processus. Elles diffusent en effet des lumières bleues et vertes nocives pour ces peintures. Les institutions muséales vont donc devoir changer d’éclairage, pour une lumière plus rouge, paradoxalement moins agressive…
Cependant, les spécialistes affirment que seule la première couche picturale est atteinte et qu’il est possible de détecter la présence ou l’absence de ces jaunes de chrome sur les tableaux grâce à un équipement mobile basé sur la réflexion de la lumière infrarouge. La technologie avançant sans cesse, il est toujours permis d’espérer trouver une solution face à cette situation.
Visuel : capture d’écran wikipédia SB