
T.E.O.R.E.M.A.T au Théâtre du Nord (Idéal) – NEXT 05
Dans le cadre du festival NEXT 05, le Théâtre du Nord accueille, entre les murs de l’Idéal (Tourcoing) un spectacle polonais, mis en scène par Grzegorz Jarzyna et interprété par les comédiens du théâtre national de Varsovie, le TR WARSZAWA. Adapté du film Teorema de Pasolini, sorti en 1968, T.E.O.R.E.M.A.T met en scène une famille bourgeoise des années 1960 bien sous tous rapports, engoncée dans ses principes tout autant que dans la boîte de bois qui entoure le plateau, le transformant en laboratoire dont les personnages ne peuvent s’échapper. Arrive alors un étranger qui vient perturber l’ordre des choses, et semer la zizanie dans la conscience de chacun des membres de la famille.
La première partie de la pièce, qui décrit comment l’étranger arrive dans la famille et trouble chacun de ses membres, se laisse voir comme une étrange histoire. Peu de dialogues, des scènes descriptives, parfois répétées ou figées, qui se suivent pour montrer comment se fabrique la spirale qui engloutit les personnages. La première à succomber aux charmes de l’étranger est la bonne, qui se laisse sauvagement prendre sur la moquette beige. Car il n’y a guère de variation dans le rapport de chaque membre de la famille avec leur étrange hôte : la déviance – ou la révélation, c’est l’acte sexuel. Jarzyna reste très littéral dans son adaptation, sans guère sortir des codes de pensée des années qui ont précédé Mai-68 et la libération sexuelle. Si l’on comprend le scandale qu’a pu causer Pasolini en 1968, le concept paraît moins subversif en 2012.
Le jeu des comédiens reste cependant très juste, tout en retenue. On regrette cependant que l’étranger ne soit plus charismatique, plus troublant – c’est là l’essence de son caractère, et on peine à comprendre la folie qui s’empare de la famille, dont les membres sont finalement plus empreints de cette étrangeté mystique que celui est est supposé leur apporter la révélation. Les deux parents, interprétés par Danuta Stenka et Jan Englert, portent leurs rôles avec un port altier pour l’une, une grande élégance pour l’autre. La fille, interprétée par Katarzyna Warnke, est particulièrement touchante, entre désir et vulnérabilité.
Si cette première partie peine à trouver le souffle que l’on attend d’elle, elle reste de très bonne facture, légèrement oppressante (sans toutefois susciter le malaise qu’elle semble devoir déclencher), tout en non-dits. Elle est malheureusement suivi d’une seconde partie, où, après le départ de l’étranger, les personnages se retrouvent confrontés à l’impossibilité de la rédemption, ce qui les mène à l’obsession sexuelle, à la folie ou à la mort… extrêmement verbale, cette dernière partie pêche par excès de symbolisme, qui se retrouve dans un discours métaphysique relativement incompréhensible, et qui prend le risque de laisser derrière lui le spectateur.
Une production qui impressionne par la maîtrise de la mise en scène, mais qui manque à trouver un souffle sacré autant qu’elle se perd dans une quête de sens qui touche à l’abscons. On en ressort dubitatif, sans être bien sûr d’en avoir saisi le sens…
Crédit photo : © Kuba Dabrowski