
“Rémi”, Capdevielle en filiation au Festival d’Automne
Encore pour quelques jours aux Amandiers avant une programmation à la Ferme du Buisson et au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines, la première pièce tout public de Jonathan Capdevielle s’attaque à la figure de Rémi, sans famille pour peindre un monde dont le son est le ciment.
Alors Rémi, dit le programme, est une pièce adaptée de Sans famille de Hector Malot, mais ne soyons pas dupes, pour tout être humain né comme Capdevielle à la fin des années 70, Rémi est un dessin animé : Rémi sans famille, qui raconte la triste et belle histoire d’un môme de 8 ans, abandonné par ses parents et recueilli par Vitalis, un gentil saltimbanque.
Dans cette pièce qui s’écoute encore plus qu’elle ne se regarde, où la magnifique lumière d’Yves Godin remplit l’espace vide de ses néons, les voix nous parviennent souvent décorrélées des corps. D’ailleurs, la pièce est en réalité la première partie d’un projet dont la seconde est justement un CD qui nous est distribué à la fin de la représentation.
L’occasion est belle de retrouver Dimitri Doré révélé par A nous deux maintenant en 2017. Enfin, pas tout de suite. D’abord, on écoute Rémi devenu star de la chanson, qui est en pleine interview à la radio. Pour le moment le rideau est juste assez entrouvert pour que l’on regarde longuement le sac à dos flanqué d’une tête de mort. Ensuite, Capdevielle, comme Dolan, ouvre le cadre. De Dolan, il a aussi le rapport aux mères, au point que Madame Milligan est nommée Momy par son fils. Sur la scène ils sont 3+1 à tout jouer. Dimitri reste Rémi tout le long de la pièce comme un repère pendant que Jonathan Drillet, Michèle Gurtner, Babacar M’Baye Fall jouent tout le reste.
Il s’agit d’un vrai tout public, pensé à partir de 8 ans où, dans une scénographie très adulte et sans compromis de facilité, cette histoire si triste devient lumineuse. L’abandon, la maladie, la mort, la violence, la misère sont là et pourtant, comme dans le livre, la poésie s’invite.
Mais chez Capdevielle, le trash reste un outil à fabriquer de la beauté. Et la scène de “compétition d’imagination” avec justement Madame Milligan, son fils, et Rémi, est l’occasion de belles strophes (ndlr, c’est une limace qui parle !) : “Moi je suis dark, je veux aller en discothèque dans des lieux sombres”. Egalement, la pièce passe au couperet les belles idées, et Vitalis affirme : “Le paraître est quelque fois indispensable”.
Comme toujours et on espère pour toujours, la culture de Capdvielle vénère la pop pour ce qu’elle a d’universel. Et ce sont les idoles partagées d’aujourd’hui qu’il convoque, Black M et son tube “sur la route” en ouverture. La vie d’errance de Rémi prend tout de suite une allure plus actuelle.
Rémi est une pièce superbe où l’identité de Capdevielle semble être réincarnée par tous, et où ses questions personnelles sont regardées par une histoire connue de tous.
Jusqu’au 30 à Nanterre, puis au Théâtre de Choisy-le-Roi – Scène conventionnée d’Intérêt National Art et création pour la Diversité Linguistique- 15 Décembre, à La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée – 10 et 11 Janvier, au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale – 15 au 18 Janvier. Tout le détail ici.
Visuels :
Jonathan Capdevielle, “Rémi” © Vanessa Court ( portrait)
Jonathan Capdevielle – Rémi © Marc Domage (scène)