Originales Cavales au Théâtre Essaïon
Écrit par le talentueux Pierre Vignes et mis en scène par son complice Sébastien Rajon, “Cavales” juxtapose les deux fuites d’une mariée le jour de ses noces et d’un des invités à la cérémonie. Drôle et fin sur le fantasme de tout laisser en plan pour se mettre enfin à vivre, Cavales est aussi un challenge pour les deux comédiens qui l’interprètent. UN challenge pleinement relevé par Stéphanie Papanian et Michel Laliberté. A théâtre Essaïon jusqu’au 26 février 2011.
Une nuit, la forêt. Une femme en robe de mariée et portant un bijou de haut prix, vouvoie l’homme qui l’a suivie dans sa fuite, le jour de son mariage. Elsa était malheureuse avec son riche et autoritaire mari ; et la jeune mariée a su toucher Paul, journaliste engoncé dans une vie de couple des moins réjouissantes, même s’il adore ses deux filles. Le mari d’Elsa est puissant et dangereux, et les deux fugitifs courent pour échapper aux représailles…
Structurée par des flash-backs qui rendent l’effort aussi circulaire et athlétique que dans un stade, Cavales est, selon le mot du metteur en scène Sébastien Rajon “une course-duel”, où les vies de deux fugitifs sont dévoilées. Avec elles, leurs désirs, leurs peurs et ceux qu’ils quittent et que – paradoxalement – chacun des deux comédiens interprète. Sébastien Rajon a concentré ces changements de personnalités dans une cabine centrale que les comédiens déplacent comme en un ballet. Et Michel Laliberté sait passer du faux détachement caustique de Paul à l’autorité de roquet du mari, sans oublier de sortir son plus bel accent québécois pour planter un garde-chasse. Stéphanie Papanian, quant à elle, se métamorphose plus adroitement qu’une nymphe : la sensuelle et naïve Elsa peut devenir une baronne perverse, ou une femme dépressive, délaissée, et dangereuse. Dans tous les cas, la très belle brune est complétement convaincante, tout son visage épousant son nouveau personnage. Ce jeu de rôles à la Ionesco est un tour de force qui renforce encore un certain absurde : vouloir changer de vie et tout laisser derrière soi. Loin d’être une charge existentielle, l’absurde de Pierre Vignes mord à pleine dents dans des petits travers communs qui font rire, et qui incarnent L’ ironie croustillante de “Cavales” permet au spectateur de sortir de la pièce le cœur léger et le sourire aux lèvres.
photos : © STEKYNDT