
“Les Damnés” d’Ivo Van Hove reprennent à la Comédie Française
Très remarquée au Festival d’Avignon 2016 (lire notre article) et déjà donnée l’an dernier à la Comédie Française, puis passé par Londres et New-York, la version par Ivo Van Hove du film de Luchino Visconti (1969) sur la chute de la Maison Aschenbach dans les flammes du IIIe Reich, reprend dans la salle Richelieu jusqu’au 2 juin. Les Damnés est une ode esthétique au mal et à l’autodestruction qui continue de fonctionner.
Central, le personnage de Sophie von Aschenbach (Elsa Lepoivre, sublime) obtient une dérogation pour que son fils, Martin (Christophe Montenez) hérite l’usine familiale, dédiée à l’armement du Reich, en déshéritant le fils légitime, Günther (Clément Hervieu-Léger) et au prix de l’assassinat de la famille du Vice Président de la société Herbert Thalman (Loïc Corbery). Elle finit par épouser, nue sous le goudron et les plumes son amant (Guillaume Galienne) qui s’est débarrassé du patriarche SA de transition, Konstantin (Denis Podalydès).
C’est beau, c’est nu, c’est cru, ça se veut sensuel et, visuellement, Les Damnés sont une impressionnante ode à la mort. Les comédiens de français embrassent le glauque avec panache, même si Van Hove reste inlassablement meilleur quand il dirige sa troupe dans sa langue. Le public retient son souffle et voit un à un les personnages s’enfoncer avec un glamour gothique parfois relevé de sang, sans la mort. Bonne idée donc, de réveiller les monstres de la famille Aschenbach (ou Essenbeck dans le film), à une époque où l’on entend sonner à nouveau les sirènes des années 1930. Reste à savoir si ce que Susan Sontag appelait le “fascinant fascisme” laisse le public sortir de l’aura belle et attirante de ces monstres qu’elle sacre, pour avoir la place d’une réflexion éthique, politique et historique.
Les Damnés, d’après Luchino Visconti, mise en scène: Ivo van Hove, Scénographie et lumières : Jan Versweyveld, 2h.
visuel : DR