
Le repas des fauves met collabos et resistants à table
Au théâtre Michel, Julien Sibre met en scène “Le repas des fauves”, d’après le film de Vahé Katcha réalisé en 1964. Le récit est ici légèrement modifié pour raconter l’histoire de sept amis qui traversent la guerre sans parler politique. Mais, en 1942, la grande histoire frappe à la porte et change les relations entre eux à jamais.
En zone occupée, en 1942, Sophie a 30 ans aujourd’hui. Les déportés politiques et le statut des Juifs, elle s’en fiche tant que son mari, Victor, libraire de son état porte la cravate qu’elle lui a offert et lui trouve des jolis bas de soie au marché noir. Pour son anniversaire, elle a invité ses amis les plus proches. : Le docteur Jean-Paul Pagnon pour qui Pétain est un héros ; Vincent, dandy homosexuel et professeur de philosophie que plus rien n’impressionne, Françoise, anti-nazie, dont le mari est prisonnier,Pierre, rendu aveugle par une blessure de guerre, et l’opportuniste André clairement collabo. Vu le casting, Sophie hurle : « Ah, non, on ne parle pas politique ce soir ! ». Le champagne coule à flot quand retentit un coup de feu. Deux allemands sont tués devant l’immeuble. Le S.S. Kaubach défonce la porte et demande aux amis de choisir parmi eux deux otages. Par amitié pour Victor chez qui il achète des livres, il leur fait une fleur, il passera prendre les élus au dessert…Les sept passent alors par tous les stratagèmes pour échapper à leur sort, mettre le feu à la maison, utiliser Sophie comme appât pour le SS. Rien n’y fait. Alors qu’ils voulaient laisser passer la guerre tranquille, elle débarque dans leur soirée et les force à se dévoiler.
La mise en scène est un huis clos ou l’extérieur s’invite par le biais d’un dessin animé prenant l’espace de la fenêtre dans un graphisme extrêmement proche du film Valse avec Bachir. L’idée fonctionne à merveille en opposant un appartement et des vêtements datés années 40 avec un film des années 2010. Cette opposition rend les questionnements extrêmement actuels.
Le texte, la mise en scène et le jeu des comédiens sont justes et pertinents. Aucune caricature, aucune musique de fioriture. Le travail de lumière est impeccable, tout concorde à faire monter les tensions et à installer l’intrigue policière.
Le texte interroge ceux qui ni juifs, ni communistes, ni résistants pensaient pouvoir laisser passer le nazisme. Pas sûr que cette soirée change leur relation au pouvoir mais, entre eux, le lien est brisé. Le repas des fauves est une pièce impeccable où l’on rit souvent face au cynisme des invités prêts à tout pour sauver leur vie. Le public sort empli d’une seule question : Mais, moi, j’aurais fait quoi à leur place ?
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