“Guerre” de Lars Noren par Christian Benedetti
Christian Benedetti offre, en son Théâtre-Studio, son art de la mise en scène et de la direction d’acteurs à une pièce rare, exigeante et d’une noirceur absolue.
Considéré souvent comme le successeur d’August Strindberg, Anton Tchekhov, Hjalmar Bergman ou Henrik Ibsen, Lars Norén poursuit la même thématique centrée sur les problèmes parapsychologiques, psychiatriques ou psychosociaux. Auteur de plus de quarante pièces de théâtre, son œuvre est imprégnée de résurgences personnelles telles que les perversions sexuelles, les maladies psychiatriques, les relations conflictuelles entre parents et enfants et le recours à la violence. En 2018, il entre au répertoire de la Comédie-Française avec Poussières, pièce sur la vieillesse écrite pour la troupe de l’institution. Le 26 janvier 2021, il meurt des suites du Covid-19.
L’instinct de mort
Lars Norén est fasciné par le biais le plus sombre de l’humanité. Il avait fait scandale à la fin des années 1990 avec la pièce 7:3, pour laquelle il avait recruté des prisonniers dangereux purgeant des longues peines, dont deux néonazis qui jouaient leurs propres rôles avec de nombreux propos antisémites. Le mal s’était projeté hors de la scène : profitant de leur levée d’écrou, de nombreux braquages avait été commis par un des acteurs amateurs dont un tragique au lendemain de la dernière de la pièce, qui s’était terminé par la mort de deux policiers.
Dans Guerre, un soldat rentre chez lui deux ans après son départ. Cet homme devenu aveugle est accueilli par son épouse qui ne l’attendait pas, qui le croyait mort, qui ne l’a jamais aimé, qui a trouvé le bonheur, malgré la guerre, avec Ivan, le frère de ce mari.
Un texte dur et littéral
On pense à la guerre de Poutine contre l’Ukraine ou à son ferment, l’Holodomor de Staline. Le texte de Lars Norén est sans hésitations, sans deuxième degré, sans métaphores. La mise en scène de Christian Benedetti épouse le trait en une scénographie sans aucun artifice ni scories. Le directeur du lieu choisit d’adhérer à la littéralité crue. Le jeu des comédiens finit la peinture froide d’un drame. La troupe est remarquable. Un bravo particulier à Manon Clavel qui impressionne de densité.
Le résultat éprouve. Le théâtre, c’est sa vertu, doit raconter des réalités même féroces. La pièce en reste un défi pour le public. Elle est inconfortable, exigeante pour le spectateur cependant que la trace laissée s’imprègne pour longtemps.
Une pièce nécessaire.
Guerre
Texte de Lars Norén
mis en scène par Christian Benedetti
Avec Stéphane Caillard, Manon Clavel, Alix Riemer, Marc Lamigeon, Jean-Philippe Ricci
Le Théâtre-Studio / Cie Christian Benedetti
Crédit photo : Alex Mesnil
