![[Festival d’Avignon] « Nature morte » : les élèves-comédiens de Saint-Etienne crachent une ville à votre gueule ravie](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2014/07/Nature-morte-255x141.jpg)
[Festival d’Avignon] « Nature morte » : les élèves-comédiens de Saint-Etienne crachent une ville à votre gueule ravie
Pari gagné pour cet atelier mené par le metteur en scène Michel Raskine, qui fait en définitive l’effet d’un spectacle abouti. Neuf talents pour servir les mots de l’auteur grec Manolis Tsipos. Des mots en révolte – un peu trop parfois – qui explorent, pour notre plaisir, les entrailles d’une ville oppressée.
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Frontal, furieux, foisonnant, Nature morte, texte de Manolis Tsipos travaillé par les élèves de deuxième année de la Comédie de Saint-Etienne, ne manque cependant pas de chair. Il met en scène des abstractions – une ville qui souffre, et harangue ses citoyens, si lâches – compte un arrière-plan politique – la mort d’un jeune homme, peut-être un manifestant – se nourrit de la situation grecque actuelle… Mais il livre par ailleurs des mots qui viennent des tripes. Des petites saynètes. Des adresses bien senties au public. Et des références mythologiques. Il accroche.
Pour le porter, neuf élèves-comédiens au garde-à-vous sont là. Dirigés par Michel Raskine, ils déplacent et replacent couronnes de fleurs, chaises, pupitres, bidons, mégaphones, réservoirs d’eau sur lesquels ils jouent du tambour… Tout cela, bien entendu, démultiplié, selon l’habitude du metteur en scène. Ils sont cette ville qui parle au public. Parfois, on aimerait qu’elle aille un peu plus dans la sensibilité. Le ton d’urgence, les voix lancées se font trop excessives. Quelques blagues, alors, amènent de l’air : Mélissa Zehner, l’une des interprètes, qui tombe à bout de souffle, ou complète les phrases des autres d’une voix pointue ; Maurin Olles, comédien par ailleurs doué au saxophone, qui reste assis, laconique, et s’énerve tout à coup à la fin ; Aurélia Lüscher, qui rompt tout à coup le ton abstrait à l’aide d’un coupant « Mais qui a eu cette idée ? enlever toutes les plaques des rues ? »…
Mis à part, donc, son action de proférer qui tombe un peu dans l’excès, le spectacle reste de bonne tenue. Il émeut le plus, forcément, lorsqu’interviennent, à la fin, les ruptures de rythme. Julien Bodet, à genoux et entouré de ses condisciples, hurle un extrait de Prométhée enchaîné. Est-ce ici la ville qui parle ? Torturée loin des hommes, oublieux alors qu’elle leur a tout donné ? On aimerait qu’elle nous parle davantage ainsi, plus clairement… Que plus de passages de ce type, rafraîchissants malgré leur dureté, émaillent la pièce. Enfin, on a vu neuf interprètes exprimer leur fougue et leur technique. Et lancer des cordes, plutôt attirantes, vers un texte intéressant. Et on est content, en définitive, de s’être laissé attraper.
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Visuel : Nature morte © photo Sonia Barcet