Théâtre
FESTIVAL ACTORAL – DÉSORDRE DE HUBERT COLAS & Mordre la machine de Julien Prévieux

FESTIVAL ACTORAL – DÉSORDRE DE HUBERT COLAS & Mordre la machine de Julien Prévieux

04 October 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Le festival Actoral se veut le festival d’une création multidisciplinaire qui mêle le théâtre la danse, les arts visuels, la performance, la musique, le cinéma et la littérature. Nous avons retrouvé le travail  de son directeur également metteur en scène Hubert Colas et du plasticien Julien Previeux.

Le festival est international, Il se propose de donner à voir et à entendre la diversité et la vitalité de la création contemporaine. Chaque automne durant trois semaines, plus de deux cents artistes français et internationaux rejoignent Marseille pour s’y produire. Cette dix-huitième édition fait la part belle à la nouvelle scène contemporaine néerlandaise. Sept propositions artistiques sont programmées avec la complicité du Dutch Performing Arts.

Le festival, c’est une ambiance de mouvements et de curiosité. C’est 100 rendez-vous, 12 créations, 87 projets 177 artistes et 11 pays dans 16 lieues. Ainsi, dans le lieu improbable et magique de la Friche la belle de mai, le public fourmille entre les salles et les deux restaurants au milieu de groupes de jeunes circulants entre le skate park et un dancing floor de rap improvisé. L’ambiance est à la création et la fête.

Pour l’ouverture du festival le mardi 25 septembre, l’artiste Julien Prévieux (Prix Marcel-Duchamp 2014) a inauguré son exposition Mordre la Machine au musée d’art contemporain de Marseille  (visible jusqu’au 24 février 2019). Avec humour et cynisme, l’artiste constate comment les smartphones ont imprimé en nous et en nos corps de nouveaux comportements, et comment ils ont inscrit une nouvelle norme du beau et une idée  de l’esthétique fermentée dans les studios de création de la hight Tech. Parfois amer parfois amusé, Julien Prévieux poursuit son travail de dissection de la smartification des esprits en créant sur scène Of Balls, books and hats. Il décrit avec intelligence l’impact des technologies virtuelles et des réseaux sociaux sur nos gestuelles et dans notre rapport aux autres et au monde. L’artiste mouille sa chemise, mais ne sait pas (encore?) finir son geste. On regrettera à chaque fois un propos répétitif qui peine à  aboutir. Il n’empêche. II y a pour nous dans son travail contributif à élaborer et nous avons eu un vrai plaisir de spectateur lors de la représentation sous l’aspect d’une performance rythmée et cadencée comme une machine.

Aussi à la friche, le fondateur et directeur du festival Hubert Colas y présente sa nouvelle pièce, Désordre une pièce patchwork vivifiante sur la joie et la mort. L’auteur manie avec brio la dialectique et les comédiens sont aussi drôles que graves.

Un immense plateau nu. Un mur au fond et dans la pénombre assis sur un fauteuil trop petit pour elle une femme semblant ne rien attendre ou n’attendre rien. Une musique de boîte à musique envahit l’espace. Une vidéo panoramique de vagues éclaire le mur au fond du plateau et au plafond une vidéo s’allume sur un homme manifestement en colère. Il est l’auteur. Il s’interroge déjà : Quoi faire ? Qu’est-ce que la foi ?

Le dispositif est galvanisant, car la pensée et l’intention de l’auteur habituellement emprisonné dans le texte est ici visionnée en direct. Le hors champ solide et honnête du texte est découvert dans le hic et nunc de l’artifice du jeu . Et le texte est splendide. Je ris comme un lapin qu’on étrangle. Il n’y a qu’un seul genre dans la vie, c’est la vie. Le texte est soigneusement construit tandis que sa lecture est décousue. Le mot désordre du titre renvoie non au foutoir, mais au non-ordre. Les comédiens tendent  des cartes au public qui pioche et par cette pioche décide de la prochaine scène.Si c’est par la peur que se crée le désordre, la pièce propose un désordre édifiant. Elle est un show vivifiant et captivant.  Elle est construite comme une longue séance de psychanalyse, le rire et la joie en plus. Lorsqu’est repris par un comédien le sérieux et austère séminaire de Jacques Lacan sur la foi, nous pouvons enfin rire de tout, de la mort même. La pièce finira aux Urgences dans une bonne humeur communicative.

Hubert Colas signe là une belle pièce extrêmement moderne, faussement sans queue ni tête,  définitivement pénétrante.

Actoral se poursuit jusqu’au 13 octobre à Marseille.

Hubert Colas, Désordre Crédits Photos © Herve Bellamy

Prévieux Crédits Photos ©Marc-Antoine Serra

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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