
Emeline Bayart à la manœuvre pour un Feydeau drolatique et chantant.
Au théâtre de l’Atelier, Emeline Bayart regroupe ses talents et sa puissance comique pour un Feydeau qu’elle met en scène dans une version audacieuse et efficace qui rend hommage à l’auteur.
La situation est délicieuse d’audace ; en 1910, Feydeau est à son apogée ; ce fils d’une femme galante Juive d’origine polonaise et qui finira sa vie dans un sanatorium où il soigne ses troubles psychiques suite à une syphilis contractée auprès d’une jeune travestie, vient de se séparer; sa plume est trempée dans l’acide ; il ose écrire une aventure bourgeoise autour des selles et y porte un regard cruel sur les travers de ses contemporains, sur la vanité et sur l’appât du gain.
On Purge Bébé ! s’attaque à un thème universel qui n’a pas pris une ride, celui du couple bourgeois naviguant entre une crise conjugale latente et un sourd ennui du quotidien. L’intrigue est simple : c’est l’histoire de Toto, 7 ans. Son père reçoit un haut fonctionnaire du Ministère de la Guerre dans l’espoir de signer un important contrat pour équiper l’armée française en pots de chambre en céramique incassable. Ce jour-là, Toto, apparemment constipé, refuse de prendre sa purge malgré l’insistance de sa mère.
L’audace de Feydeau brille et nous emporte dans la belle salle du théâtre de l’Atelier. Emelyne Bayart, qui interprète Madame Julie Follavoine, la mère – elle y est merveilleuse – met en scène. Elle ressuscite l’équation complète du vaudeville ; elle nous restitue et l’époque, et la truculence des personnages et enfin la critique acerbe des mères possessives occupées plus qu’il ne se doit aux organes et viscères de leur bambin.
Les deux talents de Emeline Bayart au service de Feydeau
Emeline Bayart a de la gouaille et de la grâce. En 2019, au service de Jean Louis Benoit dans Une demande de mariage elle extrayait chaque goutte du burlesque de son personnage. Elle était irrésistible et truculente en une femme virile, colérique mais parfois alanguie. Dans On purge Bébé! elle a le génie d’ajouter des chansons d’époque. Ces chansons drôles à texte nous transportent dans le temps de Feydeau et nous font découvrir un talent supplémentaire de Emeline Bayart: le chant. La comédienne est formidable en cette mère hystérique, en peignoir, mules et collants sur les chevilles, abandonnée à son intendance. Et lorsqu’elle chante, l’instant est magique. Les délicieuses interludes façon opérette participent au rythme essentiel à un bon Feydeau.
Le spectacle, prix Laurent Terzieff du syndicat de la critique est une belle proposition pour cette rentrée théâtrale ; et le visage d’Emeline Bayart appartient désormais à l’univers du vaudeville.
On purge bébé
de Georges Feydeau avec Eric Prat, Émeline Bayart, Manuel Le Lièvre, Valentine Alaqui, Thomas Ribière, Delphine Lacheteau, Manuel Peskine
Metteur en scène : Émeline Bayart
Crédit Photo : Caroline Moreau