
Délire utile ou farce sérieuse? Le “NOSHOW”, le spectacle qui tire le public de sa passivité!
Le NOSHOW, c’est un peu un OVNI, un spectacle à la fois très drôle et très sérieux, un spectacle à propos des artistes et à propos du public, un spectacle sur scène et hors scène, un spectacle avec acteurs et sans acteurs, un spectacle écrit mais aussi un spectacle improvisé. Un petit vent de folie qui souffle d’Outre-Atlantique, irrévérencieux, intelligent et diaboliquement divertissant.
C’est un spectacle qui commence bien avant le levé de rideaux. Entre deux hot-dogs préparés par les comédiens devant le théâtre, les spectateurs sont invités à fixer eux-mêmes le prix de leur place. Des dispositifs ingénieux d’isoloirs font que personne ne sait ce que chaque spectateur a payé individuellement. Parce que le prix du billet, la juste rémunération des artistes, la survie du théâtre même, pas moins ! sont les thèmes et les enjeux qu’on va retrouver au cours de la pièce.
Au début est le Verbe. « Parce que c’est comme d’affronter la tempête… » Est-on dans Shakespeare ? Non : chacun des sept comédiens, on le comprend bientôt, livre à tour de rôle ses raisons d’aimer le théâtre. Il y a des motifs recommandables, d’autres moins – « Parce que c’est le seul métier où tu peux boire avant, pendant et après le spectacle ». Ils nous explique leur histoire, comment une troupe de Montréal et une autre venue de Québec sont tombées en amour et on décidé de travailler ensemble, soudées par une bataille de marshmallows fondatrice.
Evidemment, tout va basculer, et le facteur perturbateur pouvait être anticipé : il s’agit du décompte de la recette du soir. A partir de là, rien ne va plus. On ne dira rien des inventions et des rebondissements ultérieurs, pour ne pas gâcher le plaisir de ceux et de celles qui iront se régaler de ce spectacle – mais c’est diablement inventif, à la fois dans la narration et dans la mise en scène, et c’est à hurler de rire en même temps que cela pose des questions extrêmement pertinentes.
L’un des grands mérites de ce NOSHOW, c’est de replacer le spectateur au cœur du débat, aux côtés des comédiens. C’est de rappeler que le théâtre est coconstruit. Que le public importe, qu’il est acteur, qu’il détermine ce qui se joue et ce qui ne se joue pas, qu’il fait des choix et que ces choix ont un impact immense sur le paysage culturel. Plusieurs fois, les spectateurs sont sollicités : ils montent sur scène, parlent dans des micros, envoient des SMS, espionnent la salle pour le compte de certains des comédiens qui ont fait sécession…
Le propos est sérieux même si la forme est majoritairement drôle, très drôle. Le spectacle se tire globalement bien du numéro d’équilibriste qui consiste à ne pas tomber dans un exposé sentencieux, ou une attitude moralisatrice. Les questions sont posées, crûment. Les spectateurs sont tirés de leur passivité, avec bienveillance, mais aussi avec le sentiment de l’urgence, urgence de faire vivre le théâtre, urgence de réaliser que ceux qui le font arrivent à peine à en vivre décemment. Au Québec, le statut de l’intermittence n’existe pas, et on sent, dans les autofictions des personnages – les comédiens jouant leur propre rôle – toute la précarisation qui en résulte. Peut-être parfois un peu trop culpabilisant, le show s’achève sur une note de pathos un peu facile et probablement superflue : c’est dommage…
Un spectacle drôle, inventif, dynamique, participatif, avec un propos qu’il y a urgence à faire entendre : que demander de plus ? Les comédiens sont merveilleux d’énergie et de justesse, vous aurez plaisir à les retrouver pour boire un verre après la fin du spectacle, pour débattre de cette question (im)pertinente: “Les subventions financent-elles les artistes, ou les spectateurs?”.
Collectif Nous Sommes Ici & le Théâtre Dubunker
Texte : François Bernier, Alexandre Fecteau, Hubert Lemire? et Maxime Robin
Idée originale et mise en scène Alexandre Fecteau
Avec Francesca Bárcenas, François Bernier, Guillaume Boisbriand, Catherine Dorion, Hubert Lemire, Annabelle Pelletier Legros, Sophie Thibeault
Vidéo Marilyn Laflamme
Son et régie générale Olivier Gaudet-Savar
Lumières, régie de plateau?et direction technique Renaud Pettigrew
Photos © Christophe Pean