
Danse Delhi, mystérieuse danse de mort pour rire
A la Colline (petite salle), Galin Stoev met en scène Danse Dehli, une pièce d’Ivan Viripev. Ils sont deux compatriotes de l’Est, le premier est bulgare, le second est russe, ils appartiennent à la même génération et partagent leur désir de théâtre depuis 2002, année où Stoev montait à Varna pour la première fois une des pièces du dramaturge, Les Rêves. Depuis, le metteur en scène s’est fait connaître au Festival d’Avignon puis à la Comédie-Française où il a présenté trois mises en scène.
Le titre comporte quelque chose d’énigmatique. « Danse Delhi » renvoie à une danse fascinante pour les uns, écœurante pour les autres, une célébration de la laideur et de la souffrance humaine, vécues, et même au-delà, éprouvées par le personnage principal, Catherine, au contact de la misère de la population dans la capitale indienne qu’elle transcrit en un magnifique ballet dansée. La pièce pose la question de la création artistique qui se nourrit et transcende la réalité, sublime le laid, choque et bouleverse. C’est le seul intérêt d’un texte long et répétitif, anecdotique à bien des endroits, dont la construction repose sur un jeu un peu simple de variation et de symétrie.
Le décor, large et spacieux, tout en blanc et noir, nous plonge dans la salle d’attente d’un hôpital et son ambiance froidement clinique sans être anxiogène. Il y a des chaises, bien alignées, un lit au fond, celui de la mère mourante, une perfusion à côté, des robinets, des écrans radiographiques sur lesquels sont projetés des titres à la signification opaque. La pièce est découpée en sept brèves parties qui reprennent sept fois une trame narrative, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. Il y est question d’un mort, d’une retrouvaille entre deux êtres qui s’aiment, et l’histoire, prise à chaque fois sous un angle différent, avec des changements de focalisation, raconte autre chose. L’intrigue est belle, avance et se dévoile progressivement, devrait passionner et émouvoir mais manque de profondeur et cumule les clichés et les personnages stéréotypés : l’infirmière sexy et nunuche, la mère qui n’encourage pas les aptitudes artistique de sa fille avec qui, du coup, elle est en conflit, la critique qui ne s’accomplit pas dans son travail illégitime, le thème de la culpabilité rapporté à l’Holocauste, l’absence de communication entre les êtres… Et les acteurs dans tout cela ne sonnent pas très juste. Leur jeu est précis, engagé et enlevé mais à vouloir éviter à tout prix le mélo, ils deviennent souvent insincères, indiquent trop les effets, frôlent étonnamment le boulevard, surtout Caroline Chaniolleau dans la bonne copine et consolatrice embarrassée et Marie-Christine Orry dans la mère rugueuse, elles sont drôles mais en abusent. On n’y croit pas. Océane Mozas paraît plus sensible bien qu’un peu trop emportée parfois.
Photo © Élisabeth Carecchio