
Coup droit pour André de Marie Rémond
Un spectacle sur André Agassi… mouais… produit par le Théâtre Vidy Lausanne…ça commence à devenir intéressant. Joué et mis en scène par des ex-élèves du TNS, cela devient juste génial. Un jeu, set et match gagnant dont le premier tour s’est joué à Avignon au Chêne Noir et continuera au Rond-point avant une finale au 104.
Marie Rémond est une jeune femme, ado elle matait Roland-Garros, normal. C’étaient les années où André Agassi faisait rêver la planète avec sa nuque longue et son look improbable. Depuis Marie a grandi, un jour, elle feuillette Open, la bio du champion, et là, un monde s’ouvre, elle découvre qu’il n’a jamais voulu jouer au tennis, qu’on l’a marié de force avec Brooke Shields, que son père était un tyran. Elle décide de prendre tout ce matériel pour en faire, et cela contre l’avis d’Agassi himself, un spectacle dément tout en décalage.
Le décalage, c’est d’abord celui de la mise en scène. On aurait imaginé un court de tennis, c’est à une table de cuisine, à l’heure du petit dej que l’on retrouve André, 36 ans en 2006. Il s’apprête à jouer le dernier match de sa carrière face au jeune Benjamin Becker. Il est alors marié à son grand amour, Steffi Graff, ils ont deux jeunes enfants. On va s’enfoncer avec lui dans le passé, reculer de 30 ans pour le retrouver à cette même table accompagné de son entraineur bourreau de père et de son frère qu’il adore.
Le décalage, c’est le choix de l’interprétation des personnages. Marie Rémond joue André, toute frêle, short en jean et bandeau dans les cheveux. Elle est ultra crédible en petite chose baladée comme une balle par l’entraineur de l’école à 12000 dollars payés par papa ( tous deux joués par Clément Bresson), coincé dans un mariage avec Brooke Shields, (Sébastien Pouderoux). Dans ce monde où personne n’est à sa place, où personne ne choisit sa vie, le choix d’inverser les sexes est ultra pertinent. Si elle reste André, les garçons sont tour à tour le père, le frère, l’entraîneur, les managers, dans des changements rapides de posture.
Le décalage c’est enfin un texte extrêmement drôle et cynique qui confronte l’image d’un gars sympathique à des douleurs, physiques et morales. L’écriture est rapide comme un ace du “kid de Las Vegas”. Les situations sont foutraques, on pense à LA rencontre avec Steffi dont le coup droit affole le joueur. On retrouve là-dedans un second degré proche des grands performeurs, Sophie Perez, Xavier Boussiron, Marlène Saldana. René Gonzales, disparu il y a quatre petits mois avait vu juste en les programmant dans son théâtre en novembre 2011.
A ne pas rater.
Spectacle joué à Avignon du 7 au 28 juillet, au Théâtre du Chêne Noir, à 14H15
Visuel (c) Mario Del Curto
Mise à jour du 4 mars 2015 : le spectacle est repris du 3 au 20 mars au Carreau du Temple