
“Coloris Vitalis”, la leçon de vie du Clown Gramblanc
Catherine Lefeuvre et Jean Lambert-wild ont donné vie à un être inadapté au monde contemporain, un clown qui s’appelle Gramblanc. Celui ci fait répandre au théâtre de Belleville son envie de vivre devant un public ébloui par la poésie de cette créature chimérique.
Un clown à la longue histoire.
Jean Lambert-wild vit avec son clown depuis plus de vingt ans. Cet être paradoxal, surgi de lui même, s’est imposé à lui. Au départ il était muet et sans grimage ; puis vient le Blanc et sa signature. L’appétence de l’artiste pour la magie, le cirque, le cabaret burlesque, le music-hall porte plus avant le destin de son clown blanc. A sa créature viendra la parole avec le monologue de Lucky dans En attendant Godot. Elle parle pour la première fois avec virtuosité dans ce fameux monologue du filet réputé injouable. Après Lucky, le clown jouera Richard III, et bientôt, il sera Dom Juan, l’écuyer troubadour de La Chanson de Roland, la Mort joyeuse dans Frida Jambe de bois, ou encore un clown amoureux et malade des coloris dans Coloris Vitalis…
Un clown dont la mort approche
Dans Coloris Vitalis, il livre un dernier monologue épitaphe avancée ; il s’accroche à la vie et à nous son public avec une saine colère. Le voila Gramblanc, sur son piédestal triste, livide de fatigue ; il ne peut contenir plus longtemps la poussée de ses couleurs intérieures qui vont le faire exploser. Une mécanique est en jeu, jeu de langue, coloris gazeux, pets et gargouillis qui s’accumulent en autant de mots qui s’accrochent entre eux par leurs seules sonorités.
Jean Lambert-wild fascine ; il est formidable d’équivoque, à la fois drôle et tragique, mélancolique et impatient, volontaire et désabusé, précieux et grossier, fou et pertinent, inquiétant et rassurant, va-t-en-guerre et poète, colérique et attentionné, naïf et impitoyable. Il est une humanité en réduction. Il est chacun de nous, nu. Il nous saisit dans nos propres paradoxes car le propre du clown de donner à voir ce que nous voulons ignorer.
Si on regrettera les adresses au public qui font rupture à la magie hallucinatoire du geste, la pièce est un moment de bonheur et de grâce. Et si Gramblanc meurt trop vite, nous nous sommes attachés à lui pour toujours.
A ne pas rater jusqu’au 31 janvier au Théâtre de Belleville
Coloris Vitalis
Du samedi 7 au mardi 31 janvier 2023
Durée 50 min
Texte Catherine Lefeuvre
Direction Catherine Lefeuvre, Jean Lambert-wild
Avec Jean Lambert-wild, Aimée Lambert-wild
Crédit photo Tristan Jeanne-Valès