
“Bajazet” à la MC 93 : un Castorf bien sage
La nouvelle pièce de Frank Castorf, Bajazet. En considérant le théâtre et la peste, propose une adaptation contemporaine de la pièce de Racine. Un spectacle malgré tout attendu.
Le retour des mêmes ficelles
On nous avait promis un Bajazet irrévérencieux, où Racine croisait Artaud. On (re)trouve surtout un Castorf identique à lui-même, usant sans cesse des mêmes ficelles, sommes toutes peu originales.
L’occupation du plateau tout d’abord : à jardin une tente aux étranges allures de burqa, avec même le grillage de cette dernière ; à cour une cabane en forme de visage de sultan (ou sa représentation occidentale). Histoire que l’on comprenne tout de suite que la mise en scène sera rock, des néons constituant le mot “BABYLON”. Et, bien entendu, ces deux espaces que sont la burqa et le sultan serviront de hors-scènes dans lesquels les acteurs se déroberont à la vue des spectateurs, qui n’y auront accès que par écran interposé.
Ce dernier objet, récurrent dans les mises en scène du metteur en scène allemand, devient, à la longue, une béquille un peu facile plus qu’une véritable trouvaille. Surtout, elle nuit au plateau qui, à côté de cet immense écran, paraît petit, étroit, et surtout bien vide.
Un spectacle bien sage
Car, tout ce qui ressort de la démesure et de l’outrance, du sale et de l’orgiaque, est confiné dans ces espaces ni totalement cachés – la présence de la caméra permet de les filmer en plans parfois très rapprochés – ni totalement exhibés – l’écran imposant, de fait, une distance entre le public et la scène projetée. Le jeu qui se déroule sur scène reste, lui, bien sage : on note bien deux comédiens qui se roulent par terre et des brins de paille ici et là, mais enfin, pas de quoi faire pâlir un académicien.
La peinture de la dépravation elle-même est on ne peut plus convenue : des tenues de strip-tease et des perruques improbables, une Jeanne Balibar qui se pend au tuyau d’un narguilé et sort finalement nue pour s’enfermer dans une cage, en une iconographie SM bien éculée. Et, surtout, des volutes de fumée et des cigarettes un peu partout avec même, tenez-vous bien, un personnage qui boit dans un cendrier, comble de la décadence ! Une représentation du vice bien sage, qui n’est pas sans rappeler les (mauvais) films pour adolescents.
Visuel : © Mathilda Olmi