Théâtre
Au T.N.B.A. Catherine Marnas dégomme avec brio le Point Godwin

Au T.N.B.A. Catherine Marnas dégomme avec brio le Point Godwin

17 January 2020 | PAR David Rofé-Sarfati

Tandis que Tony Kushner fait son entrée  au répertoire de la Comédie-Française avec  Angels in America dans une mise en scène d’Arnaud Desplechin,  au Théâtre de Bordeaux Nouvelle Aquitaine, sa directrice Catherine Marnas met en scène  A Bright Room Called Day la première pièce de Tony Kushner écrite en 1985. Peut être le véritable événement de ce début d’année. 

La loi de Godwin est une règle empirique énoncée en 1990 par Mike Godwin : Plus une discussion dure, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. Dans un débat, atteindre le point Godwin revient à signifier à son interlocuteur qu’il vient de se discréditer en vérifiant ladite loi. La règle fondamentale du point Godwin consiste une fois le point atteint à siffler la fin de la rencontre, à terminer la discussion et à enjoindre l’autre à se taire. Dans son geste Marnas nous invite à penser au delà de ce point final.

Une écriture à New York qui s’est faite parallèlement au travail sur le plateau à Bordeaux.

D’après une idée originale de Catherine Marnas, Tony Kushner  exhume en y introduisant le mandat de Trump une pièce de 1985 écrite après la réélection de Reagan. Il y mettait en parallèle deux époques : la sienne et les années au cours desquelles s’effondre la république de Weimar au profit du futur Reich nazi. À l’époque, cette comparaison taboue, qui transgressait la règle du point Godwin, avait fait polémique. Il faudra la finesse de la mise en scène et l’implication des comédiens pour que cette exonération de la règle fondamentale  devienne non seulement acceptable mais contributive. La pièce, c’est sa première vertu, ouvre à penser. L’inquiétude de Kushner comme de Marnas de la montée des populismes, des fascismes et donc des périls se transmet là. 

Un décor et une troupe qui donnent le vertige.

Le spectacle est doux amer. Il est captivant. Parfois il se transforme en music-hall. Le décor est coupé en deux. Les deux périodes sont mixées. Un panneau égraine la montée des nazis au pouvoir en une suite d’authentiques photos d’archive. On se moque dans une même décontraction naïve de l’ascension au pouvoir de Hitler ou de Reagan. A chaque fois, on refuse de croire au danger d’un tel guignol. Chaque personnage est attachant, si réel et si proche de nous. La vie semble continuer au milieu du chaos qui s’installe. Toutefois, un homosexuel anarchiste sera le premier à comprendre et une starlette junkie et psychanalysée posera le premier  geste de résistance.

Kushner tient manifeste et lui emboîtant le pas Catherine marnas. La vitalité de la troupe et l’art du rythme de la mise en scène finissent de porter le message. Le spectacle à l’allure de cabaret paradoxalement joyeux -l’intrusion de l’auteur lui même sur le plateau confirme l’effet comique – doit être vu par le plus grand nombre. 

 

 

A Bright Room Called Day
… Une chambre claire nommée jour
Texte Tony Kushner
Mise en scène Catherine Marnas

Dates et horaires : du 7 au 18 janvier 2020, les mardis et vendredis à 20h30, les mercredis et jeudis à 19h30, les samedis à 19h
 Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine

Durée : 2h

Crédit Photos : Pierre Planchenault

Anne Föllmi nous parle du Festival du Film à Rueil Malmaison
“Orlando” de Handel au théâtre des Champs-Elysées: la folie n’était pas au rendez-vous
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration