
Un Faust à se damner à l’Opéra de Lyon?
Mercredi 7 octobre, l’Opéra de Lyon offrait la Première de l’oeuvre ouvrant sa saison opératique, à savoir La Damnaton de Faust de Berlioz. Pour cette occasion, la mise en scène était confiée à David Marton, à qui l’on doit l’Orphée et Euridice présenté la saison dernière dans le cadre du festival annuel. A l’époque, le travail du jeune metteur en scène n’avait pas laissé indifférent : on adorait ou bien on détestait. Après la Première de mercredi, il semblerait que La Damnation de Faust prenne le même chemin…
Il est vrai que l’on peut reprocher certaines libertés prises par l’auteur et s’interroger sur la présence de ce pauvre cheval blanc sur scène durant toute la première partie. Encore une fois, le décor est unique, même s’il est recouvert de draps blancs durant la seconde partie, et l’atmosphère est onirique : ici, ce n’est pas la réalité mais le rêve berlozien, ce n’est pas le texte de Goethe mais la musique de Berlioz. David Marton incorpore d’ailleurs quelques dialogue, dont un en anglais entre Faust et Marguerite. Est-ce une volonté du metteur en scène ou bien est-ce dû à des difficultés rencontrées pour rendre ce dialogue plausible et vivant en français de la part des deux artistes américains (qui montrent ou bien ont montré qu’ils pouvaient très bien se faire comprendre en français, comme par exemple dans Carmen pour Kate Aldrich) ? Toujours est-il que ce changement de langue abrupte et le passage de « Faust » à « Henri » sonnent étrangement mais ne dénotent finalement pas tant que ça avec l’univers mis en place ici.
Ceci étant dit, l’œuvre de Berlioz est tout de même bien mise en valeur dans son ensemble, être hybride entre opéra et oratorio, véritable ovni du paysage lyrique. L’histoire est bien celle de Goethe, mais David Marton intègre ici un trait sur lequel appuie l’œuvre de Berlioz : les liens entre individu et masse, ou simplement la question de l’individualité. Puisque les chœurs sont finalement les plus présents, la question se pose bel et bien. Ainsi, après l’entracte, Méphistophélès (Laurent Naouri) est tout le monde grâce aux costumes identique et à l’esthétique visuelle du tableau qui nous est dressé. La fin de l’opéra est quant à elle superbe et il est difficile de ne pas rester indifférent face à ce que nous voyons : sur l’écran de la scène, nous suivons Méphistophélès quittant les coulisses, puis l’étage, descendant les escaliers (et rappelant au passage un autre moment du spectacle dans la même logique que celle d’un rêve), quittant l’opéra, longeant l’Hôtel de ville pour finalement le voir s’éloigner dans la foule de la place des Terreaux. Possible de le croiser à chaque coin de rue donc…
La direction musicale de Kazushi Ono est bonne mais ne marque cependant pas les esprits, contrairement aux Choeurs de l’Opéra de Lyon qui, une nouvelle fois, brille par son excellence dans tous les domaines : diction, voix, technique,… Chose très difficile à obtenir, nous comprenons parfaitement le texte prononcé par l’ensemble à l’ouverture de rideau tant la cohérence du groupe est assurée, appuyant bien sûr l’idée de masse unifiée exploitée par David Marton. Malgré tout, on ressent que l’ancien chef des choeur, Allan n’est plus là…
Côté solistes, les noms annoncés étaient fort encourageants pour ce début de saison : Charles Workman, entendu dans les Stigmatisés, offre à Faust une belle incarnation théâtrale et vocale qui trouve néanmoins ses limites dans les aiguës ce soir de Première. Laurent Naouri incarne à merveille ce Méphistophélès malin, parfois drôle, au-dessus des plaisirs qu’il offre à Faust, joueur avant tout. Seul bémol : sa prononciation du texte parlé parfois trop rapide qui brouille certains mots. Avouons-le cependant, face à un tel personnage, nous signerions nous aussi pour le suivre!
Enfin, Marguerite, seul personnage féminin de l’histoire, se retrouve sous les traits de Kate Aldrich (anciennement Idamante et Carmen). Sa rencontre avec Faust est pleine de poésie et de délicatesse et il va sans dire que l’air “D’Amour l’ardente flamme” est très attendu. Le public n’est pas déçu vocalement. La voix est chaude et envoûtante, mais le jeu manque encore un petit peu de simplicité et de naturel : on aimerait moins de torsion de sa part sur sa chaise.
Pour résumer, cette version de La Damnation de Faust offre une réflexion intéressante et s’intègre parfaitement dans l’univers de David Marton, le tout servi par un plateau de haute qualité. Comme pour certains réalisateurs, les travaux de ce metteur en scène méritent peut-être d’être vus plusieurs fois pour les apprécier pleinement. Prenez le risque de la découverte, vous ne resterez pas indifférent.