[Critique] Rafraîchissante Petite Renarde Rusée à l’Opéra de Lille
L’Opéra de Lille propose à son public un bien joli conte pour commencer cette année 2014 : avec La Petite Renarde Rusée du compositeur tchèque Janácek, petits et grands découvriront une œuvre surprenante, où les animaux sont les héros de l’histoire et où la nature est célébrée, dans une mise en scène qui régale les yeux autant que la musique est agréable aux oreilles.
Créée en 1924 à Brno, La Petite Renarde Rusée est écrite à partir d’une bande dessinée tchèque tellement célèbre que Janácek décida d’en faire un opéra. Il y fait l’apologie de la nature en mettant en scène des animaux de la forêt (renards et blaireaux) aussi bien que de la ferme (poules et coqs), ce qui permet de faire le lien entre l’univers sauvage de la petite renarde et celui, apprivoisé, du fermier qui la capture alors qu’elle est toute petite pour l’élever dans la basse-cour. Rapidement cependant, la rusée provoque une rébellion parmi les gallinacées, avant de s’échapper pour fonder sa famille et vivre dans la forêt.
Les saisons se succèdent sur le plateau de l’Opéra de Lille alors que les planches sont recouvertes d’abord de feuilles mortes, de neige puis d’herbe verte. Les chevelures rousses et les survêtements orange des renards créent un magnifique camaïeu de rouges sur le plateau, créant un véritable tableau.
L’ensemble de la troupe – et ils sont nombreux, entre les solistes, le chœur de l’Opéra de Lille et les chœurs d’enfants, ainsi que les danseurs – communique au public une énergie et un enthousiasme qui insufflent à cette Renarde un caractère bien à elle, pleine de joie et d’humour. La mise en scène fait également la part belle à la vision féministe de Janácek : esprit libre, provocante et éprise de liberté, elle nous rappelle qu’au début du 20e siècle, un personnage féminin était rarement pourvu de ces attributs, et que le compositeur tchèque, qui a créé parmi les plus belles héroïnes d’opéra, était avant-gardiste sur ce point.
Un conte pour enfants, certes, mais qui ravira aussi les grands par la maîtrise de la direction de l’orchestre national de Lille, sous la baguette de Franck Ollu, l’inventivité de la mise en scène de Robert Carsen, et par la force et la présence de sa distribution. Une production rafraîchissante.
Photos : © Frédéric Iovino