
« Moby Dick »: chasse à la baleine théâtralement énorme
Un grand texte, cinq comédiens excellents… Et un metteur en scène qui sait quoi faire de ces précieux atouts. 1h20 de bonheur, pour enfants comme pour adultes, avec le Moby Dick de Matthieu Cruciani, réussite totale qui fait voyager et vibrer fort.
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La biennale Odyssée en Yvelines, proposant des créations théâtrales contemporaines pointues à destination du jeune public, n’a pas fini de nous étonner. L’adaptation du Moby Dick d’Hermann Melville, produite dans ce cadre, et présentée la semaine dernière au Théâtre Montansier de Versailles, se révèle non seulement divertissante, mais aussi très travaillée et convaincante sur le plan artistique.
Hum, Moby Dick… L’auteur de ces lignes ne l’a pas lu. Comment peut-il dès lors vous vanter le caractère en acier trempé de ses personnages, si marquants ? Son souffle et ses ruptures de rythme ? Sa description poétique de la mer ? Son humour ? Eh bien…
Prenez un adaptateur plus soucieux ici de Melville et des aventures qu’il décrit que de lui-même: Fabrice Melquiot. Prenez cinq comédiens étourdissants: Philippe Smith, qui compose un jeune Ismaël, apprenti chasseur de baleines qui n’a rien vu, avec une finesse folle, lui permettant de jouer les fanfarons comme d’émouvoir ; Arnaud Bichon, terriblement crédible dans le rôle de l’indien Queequeg, aux manières dures et tendres qui se met à le suivre partout ; Yann Métivier, veule, naturel, paternel, dans le rôle du Second Starbuck ; Emilie Capliez, belle, dans un rôle dont on ne dira rien ici, surprise ménagée oblige ; et puis… On a tout le monde là non ? sauf… le capitaine Achab, bien sûr ! Avec sa jambe arrachée par Moby Dick. Campé par un de ces comédiens qui savent vous transporter quand ils montent la voix, et vous étonner à mort dans leurs ruptures… Sharif Andoura, bien sûr !
Avec tout ça dans les mains, il n’y a plus qu’à foncer. Ce que fait Matthieu Cruciani. Sans s’encombrer: avec quelques chaises, et un décor de vieux cinéma, sur le mur duquel sont projetées des images vidéo. Les personnages montent sur le bateau ? On y croit. Queequeg abat une baleine à distance, d’un coup de javelot ? On y croit. Le même Queequeg va mourir ? On y croit et on pleure. Nos harponneurs visent une valeine en papier ? On y croit. Achab demande à Moby Dick de lui souffler son texte ? On y croit.
Le talent, tout simplement. Un peu trop de hurlements, par moments. Mais cela n’entache pas le plaisir qu’on devant cette quête qui nous transporte tout droit… en mer ! Plongez !
Moby Dick sera présenté le 28 mars à Aubergenville (78), à la Nacelle, avant de passer du 12 au 16 mai à la Comédie de Caen, et du 21 au 24 mai au Théâtre National de Nice.
Visuel : © Jean-Louis Fernandez