
Robyn Orlin, une reprise un peu poussive à la Philarmonie de Paris
A l’occasion du week-end thématique de la Philarmonie où les “African Queens” étaient sur le devant de la scène : la chorégraphe Robyn Orlin était bien sûr parmi elles.
Il s’agit de l’une des premières pièces de la chorégraphe qui a été jouée tous les soirs du jeudi au dimanche sous les yeux ébahis des spectateurs, souvent surpris. “Beauty…”est une pièce qui interroge la notion et les normes de la beauté classique. Elle la ridiculise et en cela peut-être vue comme un spectacle iconoclaste, d’où serait évacuée toute transcendance, puisque Dieu lui-même, irrévérencieusement invoqué en direct par Skype adopte le surnom dérisoire de “Godisto”. Cette remise en cause des hiérarchies de valeurs est présente dans tout le travail de Robyn Orlin, et en l’occurrence cette création de 1978 contient déjà en germe tous les ingrédients des pièces de la chorégraphe. Reprendre ce spectacle de plus de trente ans aujourd’hui à Paris relève plus de l’archéologie de la danse pour comprendre le travail de la célèbre chorégraphe que d’une vision réellement renouvelée de l'”Afrique”.
En effet, “Beauty remained for just a moment then returned gently to her starting position…” est une reprise d’un spectacle spectacle qui repose beaucoup sur la participation du public. Malgré le caractère parfois un peu artificiel de ce type de dispositif, la salle a suivi avec enthousiasme. Tous les clichés sur l’Afrique ici mis en scène sont déjoués par les comiques de situation. Ainsi le coq, généralement utilisé dans les rites vaudou, est-il projeté sur en arrière-plan alors que les danseurs effectuent leur chorégraphie très dignement sur le devant de la scène, créant par là-même un décalage. Le public est à un moment invité à jeter des bouteilles en plastique vides à la tête d’un serpent géant tentant d’étouffer un danseur, ridiculisant ainsi l’animal. Les costumes, – créés en live même à un moment donné avec les sweat de quelques spectateurs choisis –, sont volontairement grotesques, exubérants. Certains ridiculisent les clichés d’hypersexualisation associés aux personnes de couleur, rajoutant des ceintures phalliques ou des gobelets protubérants afin d’accentuer les poitrines. Toujours très colorés, ils subliment les corps et la gestuelle des danseurs, à la fois rythmée et enlevée. La salle des concerts de la Philharmonie, très solennelle et à première vue pas forcément adaptée à une pièce de Robyn Orlin permet cependant de faire résonner tous les bruitages que les danseurs effectuent eux-mêmes, devenant des hommes et femmes-orchestres.
A venir, And so you see, une pièce poignante mais tout aussi truculente en forme de seul en scène déjanté et génial, à la Ferme du Buisson. Si vous n’avez pas encore vu de pièces de la sud-africaine, elle empreinte ici de nouvelles voies, tout en gardant sa “patte” : interactions vidéo, prise à parti du public, mise en scène outrancière des corps etc. Dans tous les cas, nous vous recommandons cette dernière création.
Beauty remained for just a moment then returned gently to her starting position – De Robyn Orlin from Luc Riolon on Vimeo.
Visuel : ©Jean-Pierre Maurin. Performers : Julia Burnham, Thandi Tshabalala, Sonia Radebe, Teboho Letele, Oscar Buthelezi, Muzi Shili, Sunnyboy Motau