
No Focus à l’Opéra de Lille
Pour commencer sa saison 2012 – 2013, l’Opéra de Lille a convié François Verret avec sa nouvelle création, No Focus. François Verret cherche à y explorer “ce territoire particulier qu’est la suburbia (…) espace urbain indéterminé.” Le programme développe le propos, Verret expliquant que “ces explorations imaginaires de la suburbia seront l’occasion de croiser plusieurs visions du réel, donc plusieurs lignes narratives, aussi bien ‘documentaires’ que ‘fictionnelle’.”
Dans les faits, cela se concrétise pas deux points d’intérêt majeurs : sur le plateau, l’espace chorégraphique que se partagent quatre danseurs vêtus comme des citadins perdus dans la jungle des villes. Hors plateau, face à la scène et dos au public, Jean-Pierre Drouet est assis devant un piano droit qui restera son seul compagnon pendant toute l’heure que durera la représentation. Jamais il ne se tourne vers le public : il est tout entier tourné vers le plateau. Ce qui se passe sur scène ne serait-il pas le fruit de ses rêveries ? Les notes qu’il égrène rappellent Chopin, entre partition et improvisation, comme dans une boîte à musique – formant ainsi un contraste fort avec la musique électro qui prend le relais du piano.
Difficile cependant de retrouver la même émotion sur scène, et cela déçoit. Si les jeux de lumière sont intéressants, créant un espace inédit de jeu entre vidéo (sur des grands pans verticaux mobiles) et projecteurs, les mouvements des danseurs ne parviennent pas à sortir d’une logique mécanique, parfois drôle (lorsque Yutaka Takei et Chiharu Mamiya simulent un combat de kung fu sorti tout droit de Matrix), mais jamais touchante. Le texte qui émaille le spectacle ne prend aucune hauteur, se contentant d’évoquer toutes les malédictions de l’humanité, de sa naissance aux temps modernes, empilant pêle-mêle l’inceste, la solitude des réseaux sociaux et la peur de mourir.
On ressort donc de la salle avec le sentiment que le spectacle est passé à côté de l’émotion qu’il cherche à transmettre. Tout cela reste très distancié, très froid, perdu dans un propos trop intellectualisé, si bien qu’il est resté difficile de rentrer dans l’univers de No Focus, de franchir le rideau blanc baissé devant le plateau pendant le début du spectacle pour rendre plus flous les mouvement des danseurs.
Crédit photos : © Frédéric Iovino