L’Idéal Standard de Rafaële Giovanola
Superbe spectacle que celui de la compagnie Cocoondance, Standard, premier volet d’une trilogie, signé de la chorégraphe Rafaële Giovanola, découvert cet automne au théâtre du Crochetan, à Monthey, en Valais.
Danse de salon
Il est déjà arrivé que les chorégraphes contemporains s’intéressent aux pratiques d’amateurs et aux danses de société comme, par exemple, le tango, tout en en respectant le plus scrupuleusement possible les codes – cela a été le cas dans l’hexagone, comme nous avons eu l’occasion de le signaler, de Michèle Rust, Philippe Chevalier ou Dominique Rebaud. La Suissesse Rafaële Giovanola a entrepris une recherche devant la mener, d’ici deux ans, à reconsidérer complètement le vocabulaire technique de la danse en duo en le déconstruisant et d’interroger la notion de couple en tâchant de faire émerger un nouveau type de corps dansant.
Ce “corps impensé” qu’elle ne confond pas avec le corps physiologique ou Körper mais qui représente pour elle le corps vif ou Leib, Rafaële Giovanola pense le localiser et le matérialiser en s’appuyant sur un “glossaire” mis au point après un assez long processus. Standard, brillamment interprété par trois gars, trois filles (Marin Lemic, Colas Lucot, Álvaro Esteban, Clémentine Herveux, Cristina Commisso, Susanne Schneider) propose d’inédites postures humaines, d’étonnantes façons d’arpenter l’espace, de singulières suites gestuelles que l’on tentera en vain d’associer à des expressions ou des conduites précises.
D’infimes variations
Ces agencements, qu’ils résultent du travail d’improvisation des danseurs ou d’indications particulières de la chorégraphe, composent une pièce en neuf parties difficiles à distinguer pour les béotiens dont nous sommes, se déroulant d’un seul tenant, sans entrée ni sortie du plateau des danseurs, en perpétuel mouvement, n’étaient de brefs fondus de lumière et quelques gels gestuels. Ces “corps à quatre pieds” ou plus, si affinité, uniformément parés (de leggings en lycra luisant, colorés ou argentés, et de rubans adhésifs de kiné noirs et bleus ressemblant à des bretelles de soutifs ou à des tatouages guerriers) produisent des mouvements naturels, des danses animalières, et des formes abstraites.
La pièce bénéficie d’une composition musicale immersive, plus électro qu’acoustique, signée Franco Mento. Les danseurs s’escriment près d’une heure durant, suant sang et eau – exceptée l’inlassable Susanne Schneider. La chorégraphe détourne les pas classiques que lui transmit jadis la danseuse russe Marika Besobrasova, eux-mêmes souvent dérivés de danses populaires comme la bourrée, la gavotte, la gigue, etc. Le cas échéant, elle enchaîne ou invente des positions limite intenables. Le corps de ballet est extrêmement fluide, que ce soit en solitaire (en variation), en duo ou, comme au finale, regroupé, solidaire. La salle l’a à juste titre rappelé plusieurs fois.
Visuel : Standard, photo de Michael Maurissens, 2021.