
Les métamorphoses de Fabien Almakiewicz aux Hivernales
Fabien Almakiewicz est un complice de Massimo Fusco à qui Les Hivernales offre une carte blanche. Dans la salle Sol LeWitt de la Collection Lambert, Phasmatodea se découvre au fur et à mesure dans une mue à couper le souffle d’inventivité.
Pendant l’entrée du public, Fabien Almakiewicz , queue de cheval et lunettes sur le nez s’affaire. Il colle, maroufle et colle encore des centaines de feuilles A4, toutes blanches. Il a l’air autant au bout du rouleau que son scotch. C’est un travail de titan. Comment faire ? Il nous entourloupe, nous faisant penser un temps que sa performance pourrait se résumer à un acte vain, celui de vouloir recouvrir tout le sol de papiers parfaitement assemblés.
Puis, le geste vient. D’abord un mouvement qui donne le rythme. Il évolue à quatre pattes et tape le sol de ses mains pour l’aplatir. Ses allers-retours commencent à nous fasciner. Et la mue se met en place. Phasmatodea est une illusion d’optique, un broyeur à papier humain. Le danseur est avalé par son objet, avalé par sa création.
La symbolique de l’anthropocène, très présente dans Nice Trip vu la veille surgit de façon inattendue. Ces papiers qui sont autant d’arbres coupés avalent l’humain. Les images que crée Fabien Almakiewicz oscillent entre des monstres marins et des montagnes en pleine expansion. Il se déploie jusqu’à devenir une mariée à la longue traîne. Dans un test de Rorschach en version décuplée, vous verrez peut être autre chose qu’une chenille en train de se débarrasser de sa chrysalide. Vous apprendrez que Phasmatodea est une catégorie d’insectes qui se fondent dans le végétal sur lequel ils se collent. Cet insecte là, fait de papier se fond parfaitement dans la lumière du jour très intense de la salle Lewitt toute ornée de baies vitrées.
La beauté poétique de Phasmatodea est absolue. Elle est aussi surprenante et peu conventionnelle. On la sent mutante, résolument libre. Fabien Almakiewicz est danseur mais aussi masseur et professeur de yoga. Tout cela se retrouve dans son rapport à son objet qu’il manipule comme si il était un corps. Mais un corps froissé, au bord de la déchirure et qui si on le touche avec douceur fera entendre le son de l’océan.
Franchement, c’est génial.
Malheureusement la performance ne se donnait que deux fois ce 11 février. En attendant que le spectacle se rejoue, vous pouvez toujours suivre le travail de Fabien Almakiewicz sur sa page Youtube.
Les Hivernales continuent jusqu’au 18 février. Tout le programme est ici.
Visuel : ©ABN